Calamity émergeait d'une sale nuit passée entre crampes, tremblements, et sueur froide. Elle s'était fait un fix vers minuit pour se calmer. Les hallucinations avaient démarré rapidement. Plus elle se droguait, plus elle devait augmenter les doses pour essayer de retrouver les sensations de la première fois. Mais les doses suivantes, et toutes celles qu'elle continuait de s'injecter n'était qu'un pâle reflet d'extase, une vile imposture qu'elle devait supporter pour calmer les effets du manque. Cette injection ne dérogea pas à la règle. C'était d'une platitude affligeante. Néanmoins, elle devait reconnaître qu'elle avait mieux dormi par la suite. Ses rêves étaient mêlés de monstres terrifiants, de petits êtres adorables, de rose et de noir, du désert, de l'eau, le tout suivant une trame aléatoire n'ayant de sens que pour l'endormie. Une fois réveillé, toute cette mascarade ne voulait plus rien dire. Encore eut-il fallu s'en souvenir. Assoiffée, la jeune femme se réveilla avec le soleil, le corps transi de froid. Son addiction l'avait conduite à dormir à la belle étoile, près des chenils, sans qu'elle le décide réellement. Elle subissait la drogue. Percluse de courbatures, elle se redressa sur son séant, observant les alentours. C'était déjà bruyant dans le stade. Entre les chiens qui aboyaient, les hommes qui gueulaient, les femmes ne faisant pas mieux d'ailleurs, le tout amplifié par les échos des murs, il régnait une atmosphère digne des brocantes populaires et autres marchés.

Calamity se releva posément. Elle resserra les pans de son blouson autour de sa taille histoire de se réchauffer un peu. Elle avait les dents qui claquaient et elle grelottait. La raideuse fit quelques pas, sortant de l'ombre qui s'étendait du fait des hauts murs, pour pénétrer dans la lumière du soleil qui l'avait réveillé quelques minutes plus tôt. La sensation de chaud pénétra rapidement dans ses muscles, lui laissant l'impression de renaître. Elle se mit en quête de quelque chose à boire et à manger. Pour ce qui est de l'eau, elle trouva rapidement. Quant au manger, elle finie par abandonner son ventre aux gargouillements. Elle avait entendu des échos concernant une rixe avec l'ERGP la veille. Pas de rapports officiels, ce n'était pas le genre de la maison. Sous sa gouverne, les raideurs n'étaient qu'une bande de troufions qui ne respectaient aucune règle, ni aucun formalisme. Du moment qu'ils respectaient son autorité, tout allait bien. Un chien avait été blessé dans la bagarre. C'était toujours embêtant, un animal blessé. Elle aimait les chiens, elle trouvait dans leur compagnie un peu plus d'affection que chez les humains. Histoire de voir comment le chien s'en sortait, elle fit un détour par les cages. Il était prometteur, un bon élément qu'ils pourraient utiliser pour augmenter leur pouvoir de destruction.

Un membre du clan était déjà dans la cage quand elle arriva. La cheftaine ne chercha pas à cacher son approche, prenant appui contre le linteau de la porte de la cage. Elle détailla le dos de l'homme, le laissant faire son petit business. Quand il se retourna, il prit conscience de sa présence. Elle ne pipa mot, dévisageant le trentenaire histoire de voir si elle le connaissait personnellement. Non conclua-t-elle rapidement. Inconnu dans la base de donnée de sa mémoire. Il lui fit un petit rapport, exposant les faits. Le chien était mort. Dommage. Il avança, s'arrêtant devant elle. La raideuse n'avait pas envie de bouger pour le moment. Elle portait sa tenue habituelle, les cheveux auburn tombant devant son oeil droit, l'autre mèche plaquée derrière son oreille gauche.

« Si tu me dis qu'il est mort, c'est qu'il l'est. » Elle n'avait pas particulièrement confiance en lui, sachant qu'elle ne confierait pas sa vie entre ses mains, mais pour ce qui est de juger si le chien avait passé l'arme à gauche ou pas, elle le sentait capable de discernement. Quant à savoir quoi faire du cadavre... « T'aimerais manger un humain toi ? »

Elle afficha une expression de dégout sur son visage. Ca voulait tout dire. Il irait à la décharge, à défaut d'en faire autre chose. Elle fit un pas en arrière et brusquement, elle referma la porte de la cage. Elle prit appui sur les barreaux, passant ses mains dans les trous. Rien ne fermait la cage mécaniquement. Si l'homme, plus épais et plus grand qu'elle, décidait de pousser la porte, elle n'aurait que les muscles de ses cuisses pour lui opposer une quelconque résistance.

« Je ne te connais pas, petit toutou. » Calamity semblait d'humeur taquine, faisant montre de sa provocation coutumière. Il n'y avait pas d'agressivité dans sa voix ni dans sa posture, appuyée de manière nonchalante. « Pas que j'aime connaître mes hommes plus que ça, on ne sait pas de quoi demain sera fait, mais t'as pas l'air causant alors, … » Alors elle allait lui causer, histoire de l'embêter. Elle marqua une pause avant d'ajouter : « C'est quoi ton nom ? Je ne vois pas de médaille autour de ton cou. » Et vas-y qu'elle en remet une couche. « Dis moi pourquoi tu serais mieux là dehors que là dedans ? Faut me comprendre, je viens voir un molosse, et je le trouve mort. Est-ce que j'ai attrapé quelque chose d'équivalent, ou un chihuahua ? »

Elle n'attendait pas de réponse particulière. En fait, elle espérait l'emmerder un petit peu. Une vieille habitude. Puis elle avait faim, alors il fallait bien qu'elle pense à autre chose.

Calamity ne s’offusqua pas le moins du monde des réponses du jeune homme. Il y avait de fortes têtes dans le groupe, et s’il fallait être susceptible de tout ce qui pouvait se dire, elle n’aurait pas fini de beugler. Qui plus est, elle avait bien conscience qu’elle pouvait être légèrement casse noisette sur les bords. Ca ne l’empêchait pas de continuer, comme avec ce gros con de légionnaire misogyne qu’elle adorait emmerder dès qu’elle le croisait dans les parages. En fait, la dernière remarque de son jouet du jour l’a fit rire.

« Merde, tu me lances un défi on dirait. » La jeune femme n’aimait pas être la dernière de n’importe qu’elle catégorie. Et embêter le monde était une discipline où elle pensait exceller. Alors qu’on prétende qu’elle n’était certainement pas la pire n’était sans doute pas la meilleure chose à dire. Elle le toisait tranquillement. Il l’avait regardé directement une fois qu’elle avait fermé la cage. Comme la petite bête qu’on emprisonne qui veut bien voir qui est derrière tout ça. L’animal apeuré, ou l’animal encore farouche. Qu’importe. Ses yeux bleus le détaillèrent rapidement, de pieds en cape. Toujours appuyée sur les barreaux de la cage, la trentenaire réfléchie quelques secondes, se remémorant les différentes répliques du raider. Elle haussa les épaules et d’un coup de hanche, elle reprit une position normale, debout, sur ses deux pieds, le corps ne touchant plus du tout la cage.

« Enfin bref, je vois ce que tu veux dire. J’aime parler, donc je suis un chihuahua... » Elle tourna la tête vers le soleil en prenant un air faussement vexé, tout en fourrant ses mains dans ses poches. Elle fit deux pas à droite et elle pivota sur elle même, présentant son dos à son hôte –malgré lui. Négligemment elle se laissa tomber sur les barreaux, calant son dos sur le métal. Elle pouvait voir la cours de cette façon, et elle offrait ses omoplates à son interlocuteur. Une façon originale de faire la conversation.

« Je ne sais pas si c’est un honneur de parler avec un chihuahua du coup, elle enfonça un peu le clou de sa dernière déclaration, mais, même si j’en ai un peu rien à foutre de mes hommes, il s’avère que parler est une spécificité des hommes. Si si c’est vrai. C’est con hein ? » fit-elle en essayant de voir par dessus son épaule qu’elle serait la réaction du jeune homme. « Bon puisque tu ne veux pas me donner ton nom, je continuerai de te nommer petit Toutou. » Elle ne perdait pas le fil de la conversation.

Même sous ces airs de personne associable qui ne veut pas parler d’elle-même, le raider en avait assez dit sur son caractère et son fonctionnement pour que Calamity se fasse une petite idée. Un chien solitaire dans une meute anarchique. Au moins ne contribuait-il pas à foutre un peu plus le bordel. Sans lui laisser le temps de répondre, elle fit de nouveau demi-tour pour se remettre face à lui, et d’ajouter :

« Bon qu’est-ce qui te ferais plaisir petit Toutou ? Je t’impose ma présence, je te laisse libre de l’activité. » Elle lui fit un sourire derrière les barreaux, et elle ouvrit en grand la porte. « Je pense que tu es suffisamment bien dressé pour te permettre de gambader sans laisse ! »

S’il croyait s’être débarrassé de la patronne, il pouvait se foutre un de ses trois doigts dans l’œil. S’il lui avait donné tous ce qu’elle demandait, ça n’aurait pas été divertissant et elle se serait vite embêtée. Mais lui, il ne voulait pas dire grand chose, et il souhaitait qu’on lui fiche la paix. Que du bonheur.

Calamity n’était pas du genre à s’enticher d’une suite ni à se faire de nouveaux amis, ni même à nouer des relations à droite et à gauche. En fait, elle était plutôt solitaire elle aussi, notamment à cause de son caractère légèrement antisocial. Il ne fallait pas oublier non plus qu’avant son intégration dans le gang de raider, elle voguait dans le désert accompagnée de chiens en tout genre, et qu’elle ne s’approchait des humains que pour leur prendre le peu de chose qu’ils possédaient sur eux, y comprit la plus importante, leur vie. Néanmoins, elle apprenait vite, et la jeune femme savait qu’être dans un groupe, aussi anarchique fut-il, augmentait ses chances de survies. Elle préféra ne pas relever sur le sujet des chihuahuas. Après tout, dans une conversation, le récepteur du message comprenait bien ce qu’il voulait. De toute manière, elle sur-jouait son air vexé. Elle n’en avait rien à fichtre qu’il pense qu’elle soit un chihuahua. Apparemment, ce n’était pas le cas. Qu’importe, elle préférait encore être un chien qu’un trou duc de l’ERGP.

Il aboyait beaucoup pour un petit toutou, elle devait le reconnaître, il ne se laissait pas marcher sur les pieds, même si elle était théoriquement sa supérieure. Mais comme Calamity n’avait pas instauré une hiérarchie bien établie, et que tout le monde faisait un peu ce qu’il voulait, c’était normal, dans le coin, d’avoir ce genre de comportement vis-à-vis de son chef. Il n’avait pas l’air heureux de sa proposition, et c’était bien le but, il fallait le reconnaître.

« J’essaye de connaître mes hommes comme un chef le ferai. C’est un boulot de chef ça. » Elle essayait de s’en convaincre. En fait, on aurait dit un enfant dans un magasin de jouet, ne sachant plus où donner de la tête. Elle voulait s’amuser. « J’vois que tu as l’air au courant, faudra que tu m’présentes les mecs qui veulent me passer dessus. » Elle répondait toujours du tac au tac, soucieuse de ne pas perdre une réplique cinglante. Elle écouta sa répartie sur les femmes. Elle partie d’un rire doux, laissant là aussi ses yeux vagabonder sur les lieux alentours. Elle cala de nouveau son dos sur les barreaux de la cage, tout en croisant les bras sous sa poitrine.

« Tu es un rigolo petit Toutou, tu sais ? Tu me dis que tu ne veux pas m’offenser et tu me critiques depuis le début de la conversation. » Elle fit un moulinet avec son poignet. « Je connais des hommes qui aiment beaucoup parler. Mais tu vois, les bad boys dans ton genre, ça plait aux femmes. » Ca voulait tout dire et rien dire à la fois. Il ne pouvait pas vraiment savoir si la calamité des Chiens Pendus avait jeté son dévolu sur lui, ou si elle le taquinait encore. S’il penchait pour la première hypothèse, il allait surement penser au suicide parce qu’elle en avait pas fini avec lui. Elle croisa son regard alors qu’il braquait ses yeux sur elle. « Quoi ? Tu vas me dire que tu ne sais pas comment je m’appelle ? » Elle afficha une moue boudeuse sur son minois, non simulée cette fois, et ajouta. « Merde, là je suis vexée... et j’vais te dire, j’en ai rien à foutre que les autres pensent que tu es privilégié, ça tu t’arranges avec eux. »

Elle se détacha de la cage, et fit quelque pas vers les cages. Il était là pour les chiens. Soit. Après tout, s’occuper des chiens était le lot de tout le monde ici, à plus ou moins grande échelle.

« Allez, ramène toi, tu veux t’occuper des clebs, on va faire un tour. Je suis curieuse de voir comment tu t’en sors face à notre nouvelle acquisition. »

Il y a peu, ils avaient réussi à mettre en cage un de ces molosses de Denver. Le genre de chien prompt à bouffer un bambin en deux coups de gueule. Il était plutôt balèze et ne supportait pas bien le contact humain. En gros, il était brut de décoffrage et il fallait le dresser. C’était un beau bébé de 80 kilos, le poil ras, les oreilles en lambeaux de précédentes batailles avec d’autres chiens. Elle accompagna sa remarque d’un geste de la main, du style « suis moi » tout en le dépassant en le frôlant comme un chat. Elle l’emmenait vers les cages de l’autres côté du terrain, là où il y avait des enclos pour faciliter le dressage. Calamity siffla un coup, et gueula :

« Mad Dog ! »

Un moment passa avant qu’un chien cybernétique ne se radine au pas de course en remuant la queue. Il jappa joyeusement et sauta autour de la raideuse. Elle le gratifia d’une caresse derrière les oreilles, avant de reprendre sa marche. Oui, il semblerait qu’elle avait nommé son chien mi animal, mi robot, du nom de l’ancien chef. Au moins, elle avait de l’humour. Elle ne songea même pas à regarder si son petit Toutou la suivait ou pas, jugeant qu’il avait plutôt intérêt. Comme elle le lui avait dit, il n’avait pas le choix concernant sa présence. Et puisqu’il avait suggérait une activité, c’était parti. Elle interpella un espèce de punk avec une crête sur la tête, la gueule encore dans le coltard, les yeux bouffis.

« Y a un chien mort dans la cage là bas. » Elle en profita pour se retourner pour voir si le raider à trois doigts lui avait emboité le pas, et pour montrer la cage au dinosaure à crête. « Met le à la décharge. Si j’apprends qu’il a servit de pâté aux autres, je te coupe les couilles et je t’étouffe avec. Dégage. » La raideuse semblait avoir perdu de sa jovialité. Plus autoritaire, plus dictatrice.

La jeune femme continuait d’avancer vers l’endroit du stade où elle voulait emmener le raider à trois doigts qui finalement lui avait emboité le pas. Tant mieux, ça lui évitait de le tuer pour insubordination. Un sourire traversa ses lèvres quand cette pensée traversa, elle, sa tête. Elle n’aimait pas être contrariée à vrai dire, mais elle ne devait pas zigouiller tout le monde pour un oui ou pour un non. Néanmoins, elle considérait qu’être plus méchante que les méchants étaient une manière d’assurer son autorité et de tuer dans l’œuf toutes velléités de push à son encontre, comme elle l’avait fait avec Mad-Dog. Bon certes, elle n’était pas à l’abri qu’une personne essaye de la défier, mais elle avait suffisamment confiance dans ses capacités pour estimer qu’elle pourrait défaire son challenger, si ce n’est aisément, avec suffisance. Elle avait su se montrer audacieuse par le passé en défiant le taulier, si quelqu’un voulait en faire de même, qu’il saisisse sa chance avant qu’elle ne tourne. C’était un petit peu sa façon de voir les choses. Quoiqu’il en soit, ils arrivèrent rapidement aux cages et aux enclos de dressage. Elle essuyait encore une rafale de critiques de son interlocuteur. Enfin elle n’arrivait pas à déterminer s’il était franc avec l’image qu’elle lui renvoyait ou s’il cherchait à la piquer comme elle le faisait. Calamity pencha néanmoins pour la première hypothèse, non pas que la seconde lui déplusse soit dit en passant.

A sa question sur le fait qu’elle avait besoin d’aide pour se trouver un coup d’un soir, elle avait simplement répondu sans se retourner : « J’suis assez grande pour assouvir mes besoins toute seule, t’en fais pas. » Le tout ponctué par un haussement d’épaule nonchalant. Elle failli ajouter qu’il aurait sans doute besoin de tirer un coup, il serrait moins coincé. Non, cela, elle se le gardait sous le coude pour être vexante plus tard. Après tout, elle lui avait promis une journée complète en sa compagnie. Et s’il y a bien une chose que la raideuse aime à faire, c’est respecter sa parole – quand ça l’arrange bien entendu. Il n’avait pas relevé sur l’identité de sa petite personne. Comme il ne lui avait pas dit son nom, elle n’en ferait rien non plus. A moins de lui donner une fausse identité, mais ce serait entrer dans son jeu. Elle savait pertinemment qu’il se doutait de l’identité de son interlocutrice puisqu’il avait fait allusions plusieurs fois à son boulot de chef. C’est ça d’être un personnage public, la majorité des personnes ont conscience de qui vous êtes, tandis que vous, vous ne connaissiez qu’une parcelle de vos « spectateurs ». Qu’importe, il ne relança pas la conversation sur ce sujet, aussi n’en fit-elle rien, gardant ça aussi sous le coude.

« Non je ne parle pas toujours comme ça. La preuve, je t’ai filé des ordres, et tu as prit ça pour des propositions. » Elle se tourna vers lui et lui fit un grand sourire du genre, et oui coco tu n’as pas vraiment eu le choix, tout en lui faisant un clin d’œil. Déjà envolée la mauvaise humeur. Elle enchaina en montrant son cybernétique du menton. « Je préfère les chiens oui, ils sont plus loyaux que la plupart des trous duc du coin. Si je m’en vais, peu me suivront, mais mon chien lui viendra avec moi. » Elle montrait, outre le fait qu’elle aimait les chiens et que c’était là surement son talon d’Achille, qu’elle n’était pas dupe sur son autorité dans le camp, même si elle la minimisait surement. Et pour conclure son propos sur ce petit épisode confidence, elle approcha du raider, avançant son visage comme si elle allait l’embrasser rapidement. Au lieu de ça, elle leva les sourcils, et murmura : « Mad Dog me grimpait comme une chienne si tu veux tout savoir. » Nouveau clin d’œil. Ce n’était pas vrai en réalité, mais qu’importe, ça pouvait contribuer à façonner sa légende. Et puis, il cherchait à la provoquer, alors elle se montrait plus choquante que lui. Quant à savoir si elle donnait toujours le nom de ses adversaires à ses compagnons à quatre pattes, elle ne répondit pas, y ayant préféré sa réplique sur ses mœurs sexuels.

Elle re-pivota sur ses jambes pour se mettre face à la cage du molosse qu’ils étaient venus voir. Le trentenaire continua d’essayer de la titiller sur ses capacités. Elle commençait à l’apprécier celui-là, avec sa répartie à la con. Décidément, sa bonne humeur revenait rapidement. Elle le laissa finir tranquillement, une moue souriante imprimée sur son faciès. Une fois qu’il avait terminé sa petite phrase sur sa gueule, elle fit quelques pas en avançant vers la cage, et se retourna comme une danseuse vers le raider.

« Ouaf ouaf ouaf ! Tu n’aimes pas aboyer, pourtant tu ne fais que ça depuis tout à l’heure ! » Elle avait le sourire, moqueuse. Elle ajouta : « En attendant, personne n’est venue me défier depuis quatre ans, facile de raconter des choses dans mon dos, moins évidente de les dire en face. C’est pour ça que je t’aime bien. Tu as soit des couilles, soit tu es stupide et inconscient. » Elle appela son chien, qui prit place sur sa droite alors qu’elle actionnait le levier pour libérer le molosse enfermé.

« T’as raison, j’suis pas une bonne dresseuse. » Elle prit ensuite une voix enfantine pour crier : « Au secours ! Ce molosse va me tuer ! Sauve-moi, petit Toutou ! » Et le chien pas dressé de sortir de la cage l’air pas commode du tout alors que la raideuse partait d’un rire doux, montrant par la même occasion qu’elle se foutait bien de sa gueule. « Puisque les gentils toutous sont hors des cages, je te laisse faire avec cet adorable chien. » Positionnée sur le côté de la cage comme elle était, le chien n’avait que le raider à trois doigts en ligne de mire. Décidément, la calamité n’avait peur de rien.

Calamity ne se laissa pas le temps de répondre. Elle ouvrit rapidement la cage pour laisser le molosse s’en prendre à son petit Toutou. Elle ne savait pas si les raiders étaient tous des êtres stupides à la base, ou si c’était la consommation d’alcool et de drogue qui avait fini par avoir raison de leur jugeote. Elle devait quand même reconnaître que la plupart des membres des Chiens Pendus étaient des crétins finis, motivés par la violence, les addictions, le sexe, et parfois les chiens. Ils n’étaient pas tous comme ça, et sa rencontre matinale en était la preuve. Il avait de la répartie et semblait réfléchir un peu plus loin que le bout de son nez. Néanmoins, quand elle tombait sur un type comme l’autre punk de toute à l’heure, il n’y avait pas à tergiverser longtemps. Celui-là était irrécupérable, sans saveur ni sans goût, bref, un trou de balle pommé qui ne méritait qu’une attention superficielle, et qui ne comprenait pas autre chose que la violence, son seul langage depuis longtemps. Alors à quoi bon se montrer polie et respectueux avec de la vermine pareille ? Calamity n’était, de toute manière, pas du genre à être courtoise, mais elle savait quand même modérer ses propos pour obtenir des conversations qui, bien que anormales, tournaient ronds : il y avait dialogue – de sourds un petit peu – échange, questions, réponses, bref, une discussion qu’on pourrait avoir n’importe où, même dans ce stade. Après, concernant le contenu, il ne fallait pas chercher loin. Mais bon, ils étaient un peu comme deux chiens en train de se renifler le derrière dans le but de faire connaissance. Chacun testant les limites de l’autre.

Encore à remettre son cul sur la table, comme ci tout le camp voulait lui passer dessus. Il y avait des raideuses un peu plus facile à vivre et prête à vendre leurs fesses pour un peu de Jet, que d’aller se risquer avec la taulière. Bien entendu, il y avait des hommes qui avaient envie d’elle, c’est la nature, mais, bien que dépravée, elle n’était pas du genre à passer sur tout ce qui bouge, bien au contraire. Elle en rajoutait toujours quand elle parlait de sexe, se montrant volontairement choquante et obscène, mais c’était surtout parce que ça ne se faisait pas vraiment en société, et que dans le milieu des raiders, il valait mieux être complètement taré que sophistiqué. Revenant au présent, Calamity répondit tranquillement au trentenaire qui lui fit remarquer que s’il se faisait bouffer, le chien en aurait après elle ensuite :

« T’inquiète pas, j’pense que tu es assez gras pour le gaver un moment ! Pis j’ai mon flingue. »

Sans parler de son propre chien à elle qui ne laisserait pas un caniche comme celui-là faire du mal à sa maitresse adorée. Rapidement, le chien chargea le jeune homme, pour le plus grand plaisir de la raideuse. Hé, il courait vite quand même quand il avait le feu au cul, c’est qu’on ne dirait pas quand on le regarde comme ça. En effet, ce n’était pas drôle du tout pour le commun, mais pas pour la patronne. Elle se marrait bien. Dommage que le public ne soit pas au rendez-vous, elle aurait prit des paris. Tient, c’était une bonne idée ça, organiser des combats entre humains et chiens. Elle mit ce nouveau concept dans un coin de sa tête. Ca plairait surement à tout le monde ça. Des décharges d’adrénaline parcoururent son corps quand le chien attrapa un bout du pantalon, vivant le combat comme ci elle en était le centre. Finalement, l’homme se redressa et fit face à la bestiole, gardant la cage dans son dos au cas où. Même dans cette situation, il réussit à lui lancer une pique. Et cet enfoiré s’esquiva quand le chien le chargea. Maintenant, elle était en ligne de mire. Ni une ni deux, elle sortie de sa planque qui présentait un espace un peu trop étroit pour sa liberté de mouvement. Si le chien s’engouffrait dans le passage, elle n’aurait d’autre choix que de l’affronter au corps à corps et elle n’était pas sur d’avoir assez de force pour ce genre de connerie.

« Super Tata arrive à la rescousse de son petit Toutou ! » Elle était clairement dans son élément. Elle ajouta, histoire de : « Et pourtant j’trouve qu’il y a un air de famille avec ta tête ! » Les animaux étaient prévisibles dans leurs réactions, il suffisait de lire les signes. Pour le coup, les présages étaient limpides. A la vitesse à laquelle le molosse déboulait sur elle, la jeune femme n’avait qu’à faire un pas de côté pour le laisser passer. Il bondit sur elle, mais comme elle l’estimait, un petit pas et il était dans le vent. Ses cheveux suivirent la course de l’animal qui déplaçait pas mal d’air. Le chien se réceptionna directement dans sa cage. Oh, la jeune femme aurait pu courir fermer la porte, mais c’était trop simple alors qu’elle commençait tout juste à se dégourdir. Toute cette mise en scène n’avait rien d’une séance de dressage. Le canidé avait bien trop de haine à revendre pour écouter quoique ce soit, et il devait avoir faim. La nourriture ne courrait pas les rues, que ce soit pour les humains comme pour les chiens. Elle fit quelques pas à reculons sans tourner le dos, histoire d’avoir toujours en visuel le chien. Puis présenter son dos rimait avec fuite, et ça aurait excité un peu plus le chien.

« Tu veux pas te laisser monter petit Toutou, j’suis sur que quand il aura tiré un coup, il sera plus calme, parce que là, on ne peut rien en faire. »

Elle n’avouait pas qu’elle n’était pas capable de le dresser, loin de là, mais en l’espèce, il était trop énervé pour commencer à travailler avec lui. C’était aussi un prétexte pour balancer une vanne au raider. A part le laisser tranquille pour le calmer, il ne restait que la violence pour montrer qui était le plus fort. De toute manière, il ne lui laissait pas tellement le choix vu qu’il n’avait pas envie de rester tranquillement dans sa cage. Il revenait déjà vers la calamité, la foulée un peu plus lourde qu’avant. Il devait commencer à fatiguer avec les sprints qu’il venait d’effectuer. Il montrait les dents et grognait. Sans perdre son calme, Calamity prit une posture menaçante. Elle appela son chien qui, le poil hérissé, se présenta à ses côté, les babines retroussées. Il avait une drôle d’allure avec les divers implants cybernétiques. Son adversaire stoppa son avancée.

« Voilà, c’est mieux. » Sans quitter du regard le chien, elle s’adressa à son homologue humain. « Hé, petit Toutou, si tu te rendais utile, y a de la barbac pas loin, tu ne veux pas lui en donner ? » Le meilleur moyen de s’attirer les faveurs d’une bête à poil comme ça, restait encore de la nourrir. Une fois qu’il aurait comprit que certains comportements entrainaient certaines récompenses, le dressage serait bien avancé. Calamity espérait qu’une chose, c’est que le raider ne la laisse pas en plan. Elle n’était pas tout à fait sur qu’il ne le fasse pas pour se débarrasser de sa compagnie. S’il tentait de s’esquiver, elle lancerait de nouveau le molosse à son cul, par un moyen ou par un autre.

Calamity sembla satisfaite quand son joujou ramena la bouffe pour le clébard, qui en avait littéralement besoin. En fait, elle ne semblait se soucier que des chiens, au niveau de leur bien être et de leur devenir une fois mort. Sur qu’elle semblait plus humaine avec les animaux qu’avec les autres hommes. Mais qu’importe, elle ne passait pas son temps à analyser son comportement. Ce qui était sur, c’est qu’elle serait capable de torturer une bestiole pour ne pas perdre la face si on se moquait un peu trop d’elle. Elle avait préféré ne pas répondre quand il fit de nouveau allusion à ses mœurs sexuelles, le voyant s’éloigner pour aller chercher de la nourriture. Qu’importe, elle avait le temps de bien le titiller quand elle en aurait fini avec ce molosse. La tension redescendit d’un cran quand la bouffe arriva à bon port, à savoir dans la gueule de l’animal. Il était toujours tendu et prêt à mordre ou à bondir sur quiconque essaierait d’approcher, ce qu’elle ne fit pas bien entendu. Calamity n’était pas suicidaire. Elle souffla un coup, laissant ses muscles se détendre un peu histoire de ne pas faire une crise d’hypo. C’est qu’elle n’avait pas encore mangé elle ! Le raider revint à la charge alors qu’elle n’avait pas encore ouvert la bouche. Décidément il aimait bien la chercher, rendant coup pour coup dans le dialogue qui animait leur rencontre depuis tout à l’heure. Il se risquait même à envoyer les premières balles.

Il en avait après son chien cybernétique. Elle lui avait semblé qu’il avait tiqué tout à l’heure à la vue de son molosse à elle. La brune avait mis ça sur le compte de la surprise quant à son pseudonyme, mais apparemment, ce n’était pas tant ça. Pour sa part, la raideuse aimait bien son animal. Il avait un côté original, il écoutait bien, et il était plus sophistiqué que chien lambda. C’est sur qu’il manquait un petit côté naturel à la bestiole. Mais pourquoi se priver d’une arme aussi efficace ? Qui plus est, les processeurs qui l’animaient lui permettaient d’avoir des réactions moins prévisibles que celle d’un chien. Il pouvait encaisser plus de dégât sans crever la gueule ouverte.

« Nan j’ai pas envie de le taper, justement pour pas y laisser un bout de moi. Ce serait con. On y arrive aussi bien par ce moyen. Mais t’inquiète pas mon bichon, tu auras un bonbon quand j’en aurai fini avec toi. » Puisqu’il semblait râler sur le fait que le chien avait eu le droit à sa récompense lui. Bien entendu, elle faisait preuve de mauvaise foi, comme à son habitude. Il cherchait juste à se moquer d’elle, et la raideuse retournait la réplique pour l’attaquer lui. C’était un peu le mode de communication qu’ils employaient tous les deux depuis leur rencontre toute à l’heure à la cage. Quant au chien cybernétique, elle allait devoir se justifier.

« Programmeur surement, mais si tu n’as pas une bonne base de dressage à la base, ça sert à rien. Quand tu as un implant en toi, tu ne changes pas de personnalité pour autant. » Elle fit la moue. Elle n’aimait pas qu’il l’attaque sur ce point là, elle ne pouvait pas se défendre facilement. Les faits étaient les faits.

La raideuse profita que son homologue recule pour en faire autant. Elle avait perdu toute envie de jouer avec le chien. Autant le laisser là, il irait mettre le bordel dans le camp pour son plus grand plaisir. Il continua de l’haranguer sur le chien. Merde, elle aurait bien changé de sujet. Néanmoins, elle ne comptait pas se laisser faire pour autant. La jolie brune fourra ses mains dans ses poches et répliqua : « Au moins ils ne se méfieront pas et je pourrai les dépouiller sans transpirer. Je ne vois pas où est le mal. » Elle sortie une main alors que Mad Dog venait vers elle, ayant délaissé le molosse également. Elle en profita pour lui jeter un coup d’œil et lui gratter la tête. La raideuse avait perdu de sa répartie, et elle s’en rendait bien compte. C’était certes une insulte mais pas pour elle. Rien à foutre de quoi elle avait l’air tant qu’elle parvenait à réaliser les objectifs qu’elle s’était fixée.

« Et toi alors, tu as perdu tes doigts en les essayant de racketter un enfant ? » La meilleure méthode pour reprendre la main restait encore d’attaquer l’autre sur des aspects physiques. C’était basique et puéril, mais ça restait efficace la plupart du temps. Elle tendit la main qui grattait la tête, quelques secondes avant, de son cybernétique, pour la tendre vers le raider. Elle fléchissait volontairement le pouce et l’auriculaire pour ne laisser que ses trois doigts tendus, comme une serre de rapace. « Puis tu te fous de ma gueule avec mon chien, mais toi, t’as pas l’air d’en avoir un petit Toutou. Tu préfères être le chien des autres ? » Non décidément, elle ne digérait pas les précédentes attaques de l’homme sur son chien et ses capacités de dressage, du coup elle revenait à la charge en remettant ça sur la table.

La jeune femme sentait bien que le trentenaire avait perçu la brèche dans la confrontation verbale qui animait les deux individus depuis un petit moment maintenant. Elle pourrait s’en aller vexer de cette situation, mais ce serait donner du blé à moudre au raider qui pourrait en remettre une couche lors d’une future rencontre. Et ce n’était clairement pas le genre de Calamity de partir la queue entre les jambes après s’être faite rabrouer. Clairement pas. Non, elle allait reprendre l’avantage. Il suffisait juste de se motiver un peu et de trouver les répliques qui tues. Mais le fait qu’ils mettent en plus le doigt dessus en l’attaquant verbalement sur son manque de répartie eu le dont d’agacer sérieusement la raideuse. Elle soupira, s’éloignant du jeune homme, pour aller grimper les trois planches d’une balustrade en bois, servant de délimitation à un enclos, afin de poser son derrière sur la planche la plus haute afin de s’asseoir. Elle croisa les jambes et posa sa tête dans sa main, laquelle était le prolongement de son bras, le coude étant lui même posé sur sa cuisse. Elle souffla une mèche de cheveux qui lui barrait les yeux avant de répliquer, guère boutentrain.

« T’es vraiment trop con sérieux. » La journée pas très avancée virait au fiasco. Elle allait jouer sur une autre main, en changeant de comportement et de méthode d’attaque. Elle n’était pas encore totalement de mauvaise humeur, mais ça commençait à pointer le bout de son nez. Oui, Calamity est mauvaise joueuse. Loin de se laisser totalement démonter par l’attitude du raider, elle contrattaqua ostensiblement :

« J’ai pas besoin de doudou non plus, sinon je t’inviterai à partager ma couche, petit Toutou. » Sous entendu qu’il n’était pas assez bien pour elle autrement que pour servir de petit chien et de doudou, pas pour autre chose. Autant commencer à se montrer blessante s’il ne s’en privait pas. « Toute façon, ça ne m’étonne guère que ton chien n’ait rien de spécial, quand on voit son maître... » Oui oui, elle espérait bien être vexante pour de bon, de toute manière, elle en avait rien à fichtre à ce moment là, des états d’âme de son homologue masculin. Concernant son handicap, qui n’en était pas vraiment un, elle passa outre. Une chienne mal baisée... Tant pis pour lui. Néanmoins, il n’apprenait pas de ses erreurs, parce qu’elle semblait en effet mal baisée la calamité. Fallait pas qu’elle lui bouffe ses trois autres doigts.

« Et cherche pas mon loulou, tu n’as rien trouvé du tout. Tu peux essayer de m’emmerder, » elle insista bien sur le verbe ‘essayer’, « mais tu n’es pas à la hauteur, voilà tout. » Délaissant sa tête, ses bras vinrent se croiser sous sa poitrine. « Bon, tu comptes essayer de me vexer, ou tu veux te rendre utile ? Parce que dans le premier cas, tu n’y arriveras pas, mais pour ce qui est de te rendre utile, tu peux peut être, je dis bien peut être, y arriver. »

A quoi est-ce qu’elle pensait, difficile à dire. Ca ne se lisait pas franchement sur ses traits. Calamity jouait dans la cours des grands. Elle était dangereuse et imprévisible, pas comme les chiens. Cependant, elle n’avait pas des envies de meurtres à l’égard du jeune homme. Après tout, il avait participé à l’amuser et ce n’était pas donné à tout le monde, il fallait bien le reconnaître. Non, elle allait simplement reprendre la main comme elle a toujours su le faire. Qui plus est, nier toute forme de point faible était une bonne stratégie pour semer le doute tout en écartant le débat sur le sujet puisqu’elle ne contre argumentait pas. Elle était bien consciente que son comportement et son humeur avaient changés, et le raider s’en était aperçu, mais elle ne perdait pas la face, restant dans la course à la mauvaise foi.

« J’ai faim. J’aimerai que tu te demmerdes pour nous trouver à bouffer. » C’est qu’elle y mettait les formes en plus. « C’est une tâche à la hauteur de mon petit Toutou ça, non ? » Les formes et un peu de renforcement positif, voilà qui n’était pas habituel. Quoiqu’il en soit, elle restait assise sur son perchoir. « Après quoi, je te devrai un service. Ca vaut le coup, pas vrai ? »

De là à savoir si elle allait respecter sa parole, rien n’était moins sur. Ce qui était sur cependant, c’est qu’elle continuait de le prendre pour son larbin. Après, avoir un service en guise de dette vis-à-vis de la patronne pouvait se révéler être utile.

« C’est pas mon chien, je l’ai juste dressé, gné gné gné... » La raideuse en était réduite à répéter avec une voix de débile profond les propos du raider, histoire de l’emmerder un peu plus. La puérilité cédait place à la gaminerie. On allait bientôt toucher le fond. Quoiqu’il en soit, la jeune femme reprenait du poil de la bête. Et ce serait encore mieux une fois qu’elle aurait mangé. Elle l’écoutait, tranquillement perchée sur sa barrière. En plus de lui filer des ordres, elle le dominait de part sa position. Satisfaite qu’il reste en bas, elle le laissa remettre en cause sa parole. Bon elle devait reconnaître qu’il n’avait pas tord concernant sa capacité à respecter ce qu’elle disait. Pour un peu, elle prenait un air faussement vexé histoire de jouer son rôle jusqu’au bout mais elle se ravisa. Le soleil commençait à taper sec sur son crâne. Elle rigola doucement à ses propos. Décidément, pour un mec qui n’aimait pas parler, il avait de la répartie et un bon phrasé digne des grands jours de la brune. Au moins, elle ne s’ennuyait pas avec lui, c’était déjà ça, et ce, même s’il l’avait presque poussé dans ses retranchements le coup d’avant.

« Tes goûts bizarres avec les chiennes, la pisse et compagnie, ça m’intéresse pas trop hein. » L’art subtil de déformer les propos pour se montrer vexante. On n’allait pas changer une méthode qui marche non plus. « Mais tu as raison, j’ai envie de te voir obéir. » Elle haussa les épaules tout en comprimant ses lèvres, prenant une mimique contrite, du genre, c’est plus fort que moi, excuse moi je n’y peux rien, je suis comme ça. Du fait qu’il reparlait du molosse qu’ils avaient laissé en liberté, les yeux bleus de la calamité se détournèrent de son petit Toutou pour se fixer sur le chien, qui en avait bientôt fini avec son gueuleton. L’espace d’un instant, elle se demanda ce qu’il ferait ensuite. Une sieste ? Ou chercherait-il à se sauver ? Ah ça, ce serait marrant. Histoire d’envoyer le raider à trois doigts battre les alentours pour le retrouver. Un sourire illumina son visage, alors que l’homme partait chercher à manger. Du moins l’espérait-elle. La jeune femme ne savait pas s’il reviendrait. Après tout, elle n’avait pas cherché à nier qu’elle ne respecterait pas sa parole quand il l’avait sous entendu.

De ses deux mains, paumes tournées vers le bois de la balustrade, qu’elle pouvait sentir malgré ses mitaines miteuses, les bras tendus, la jeune femme pencha la tête en arrière histoire d’offrir sa gorge féminine au soleil. Ca faisait du bien, et ça lui permettait de patienter le temps que l’homme revienne. Elle ne doutait pas un instant de sa bonne volonté. S’il avait voulu refuser, il l’aurait fait directement quand elle le lui avait demandé. Depuis qu’ils étaient à deux, il ne se gênait pas pour dire ce qu’il pensait, alors fuir lâchement, ça ne lui ressemblait pas. Mais bon, le cœur des hommes est bien mystérieux. Après cinq bonnes minutes, qui en parurent dix à la brunette, il revint avec une boite de Cram. Elle l’attrapa en plein vol, délaissant pour ça la barrière en bois de ses mains. Elle failli tomber comme une merde à la renverse, mais son équilibre fut vite rétabli par un coup de hanche affuté. Histoire de ne pas montrer au raider qu’elle avait faillit tomber, elle sauta dans le même temps en bas de la barrière, sa boite de Cram dans les mains. Elle n’avait même pas eu le temps de dire merci – si si elle allait le faire, personne n’en doute – qu’il recommençait direct à la titiller.

« P’tain mais tu n’arrêtes pas une seconde sans déconner. » Elle laissait sous entendre qu’il était pire qu’elle en matière de casse noisette. « Après on dit que ce sont les femmes les pires emmerdeuses, mais tu tiens le bon bout ! » Elle lui fit un sourire, tout en passant à côté de lui, le frôlant presque, à la limite de le bousculer. Elle ajouta, bien consciente de ce que voulait sous entendre le jeune homme. « Ben comme ça tu vas me montrer ton chien, et je lui ferai manger un peu de ce qu’il y a dans cette boite, histoire de voir si tu voulais me baiser. » Nouveau sourire, un peu plus sadique cette fois-ci. Elle fit deux pas en avant vers les cages, avant de se retourner vers le trentenaire : « Allez, montre moi petit Toutou, t’as rien à te reprocher non ? ». Puis histoire de ne pas laisser passer une occasion, elle ajouta, passant du coq à l’âne, mais restant dans les propos du raider : « Puis t’façon, si j’accepte cette nourriture venant de toi et que tu considères donc que je suis ta chienne, ordonne et j’obéis. » Elle le toisa sans sourciller, histoire de voir s’il allait oser ou pas.

Bien que mauvaise perdante, la calamité n’en demeure pas moins joueuse et provocante. Et quand elle pouvait s’amuser avec un homme qui n’était pas en reste concernant les vannes, elle n’allait pas le lâcher de ci-tôt. Néanmoins, elle lui en voulait un peu de l’avoir ramené à propos de la nourriture, parce que du coup, elle devait attendre d’avoir testé la bouffe sur le chien de trois-doigts avant de manger, malgré un estomac qui criait famine.

Le baromètre à la bonne humeur oscillait entre les deux acteurs de cet intermède de raider. Maintenant, c’était à la jeune femme de jubiler intérieurement, et au jeune homme de s’en vouloir et de ne plus être content. Bon ce dernier n’avait pas l’air des plus heureux depuis que la calamité du hantant le stade lui avait mis le grappin dessus, mais là, il atteignait encore un degré inférieur. Au plus grand plaisir de la raideuse qui n’attendait que ça depuis tout à l’heure. Ainsi donc il ne voulait pas qu’on « s’amuse » avec son chien qui n’était pas vraiment à lui. Soit. Ils arrivèrent assez rapidement près des autres cages, et se plantèrent là un instant histoire de continuer leur dialogue, car bien qu’ils se titillaient mutuellement en phrasé des plus vexantes, ça restait quand même un échange. Elle lui avait proposé d’ordonner, et elle obéirait. Tout était une question d’interprétation. A sa demande d’aller emmerder quelqu’un d’autre, elle répondit du tac au tac, certaine qu’il allait lui demander un truc du genre.

« C’est ce que je fais, je vais emmerder un chien, comme il n’est pas à toi. » Oui elle n’était pas bien dressée, il fallait le reconnaître. En même temps, elle avait des années d’expérience dans le domaine de la désobéissance. Mais pour le coup, elle allait effectivement embêter quelqu’un d’autre, même s’il ne s’agissait pas d’un humain. Du moins, c’était dans ses projets. La jeune femme, plus jeune, avait obéit aux adultes dans ce petit fortin paumé des terres agricoles. Corvées, nettoyages, nourrissage, et autres joyeusetés de ce genre avaient été son quotidien pendant trop longtemps à son goût. Certes, elle faisait des conneries, mais quels adolescents n’en faisaient pas hein ? Bon il fallait reconnaître que tous les adolescents n’étaient pas des personnalités antisociales comme elle. Alors oui, ça devait être de naissance, comme une espèce de tare. Mais dans ce monde, une différence pouvait vite devenir un atout, selon ce qu’on en faisait. De toute façon, l’univers post apocalyptique qui avait découlé de la grande guerre avait une certaine tendance à favoriser ce genre de trouble mental. Cela ne l’empêcha pas d’ajouter la bouche en cœur, et le discours lourd de sous entendus : « Tu vois, tu ordonnes, j’obéis. N’hésite pas à me corriger si je ne fais pas bien... »

Un des chiens s’anima à leur approche. Ca devait être forcément le sien, enfin celui qu’il avait juste dressé et libre d’aller où il veut. Qu’elle ironie de le voir en cage estima la jeune femme, le sourire toujours planté sur les lèvres. Elle venait de trouver le point sensible du jeune homme, sa démarche de faire gouter au chien les morceaux de viande de la boite de Cram le rendait nerveux et irritable, voir même grossier. Elle se tourna vers lui, lequel restait à une certaine distance d’elle. Naturellement, comme une enfant gâtée, elle lui répondit :

« Je sais que tu n’as rien mis dedans tête de cul. Mais tu me cherches, alors je te trouve. » Quant à nier le fait qu’elle était droguée, ce serait se foutre un peu trop de la gueule du monde. Toute manière, il devait l’être autant qu’elle. Alors pour ce que ça faisait...

Elle l’observa calmer et appeler son chien. La belle brune n’aurait sans doute pas fait de remarque sur le comportement de l’animal si celui-ci c’était montré festif, car elle ne refrénait elle-même pas les petits sauts joyeux de son compagnon robotisé à quatre pattes. Pour elle, un chien devait être content de voir son maître. Ses yeux se braquèrent sur ceux du molosse qui la toisait avant que le trentenaire lui intime l’ordre de venir près de lui. Bien dressé, elle ne doutait pas qu’il faisait un redoutable guerrier contre les ennemis du gang des Chiens Pendus. Une belle bête en somme. Une fois qu’il avait fini sa petite tirade, elle était déjà en train de manger ce qu’il y avait dans la boite. Elle hausse les épaules l’air de rien. La bouche pleine, elle se justifia :

« Ben quoi, ça avait l’air de te faire chier, alors j’ai un peu insisté. » Toute façon il fallait bien mourir de quelque chose. Puis il avait raison, vu la quantité de drogue qui circulait dans ses veines et tous les voyages qu’elle avait effectué dans les terres dévastées, elle devait bien être immunisée contre pas mal de chose. « Ca veut pas dire que je te fais confiance petit Toutou, mais tu sembles quand même mieux dressé que moi. » Elle montra du bout du menton en continuant de manger le chien. « Alors c’est lui ton clebs, enfin pardon, celui que tu as dressé ? L’est pas mal. Il a un nom ? » Dans le même temps, elle tendit la boite au jeune homme, en ajoutant : « T’en veux ? Drôle de goût mais ça fait du bien de manger. »

Décidément, il avait un sale caractère son petit Toutou de la journée. Elle était certaine maintenant de n’avoir jamais rencontré de personne aussi chiante qu’elle, et surtout, qui essaye de tenir la distance en matière de piques. Cela faisait deux bonnes raisons de ne pas le lâcher trop vite, histoire de sucer l’os jusqu’à la moelle. La jeune femme sentait bien qu’elle n’était pas à la bonne place, peut être un peu trop prêt du molosse du raider, qui avait l’air d’avoir envie de le garder que pour lui. Elle comprenait un petit peu ce sentiment maternel de protection, et elle le trouvait mignon avec son air de gros dur protecteur. Histoire de montrer qu’elle n’avait pas comme première intention de s’en aller vers d’autres horizons, elle prit appui sur les barreaux métallique de la cage, tout en continuant de piocher dans sa boite de Cram périmée, au goût on ne peut plus bizarre, mais qui ne l’empêchait pas de manger de bon cœur. Avalant une gorgée, elle approuva sa petite réflexion sur l’éducation.

« T’as raison, y en a qui ont essayé de m’éduquer avec un fouet, voilà ce que ça a donné. » Avec ses mains dont les doigts étaient tournés vers son buste, elle fit un petit geste de haut en bas pour accompagner son propos, la boite de Cram suivant le mouvement dans sa main droite. Calamity ne parlait pas plus explicitement de cette époque, lâchant comme cela à la débotter quelques informations histoire d’illustrer les choses et sa façon de les voir. A la suite de quoi, elle se remit à piocher dans son paquet, puisqu’il n’en voulait pas. Elle ne lui en tenait pas rigueur, et elle aurait presque pu croire qu’il avait quand même foutu quelque chose dans cette boite l’incitant à ne pas en consommer. L’était un peu con sur les bords, puisque la nourriture ne venait pas de n’importe qui, vu que c’était lui qui était allée la chercher. Elle haussa des épaules, l’air de s’en battre les couilles, si tant est qu’elle en était pourvue.

« Comme tu veux... Ouaip, je mange pas assez à ma faim. » Elle avala une nouvelle gorgée, préférant ne pas discuter sur son physique. Elle se trouvait très bien comme ça, et si son aspect n’était pas au goût de tous, qu’ils aillent se faire mettre chez l’ERGP. Quoiqu’il en soit, on aurait presque dit une conversation normale pour une fois. Peut être qu’avec le ventre plein, la raideuse était moins embêtante qu’avec l’estomac dans les talons. « Je comprends mieux pourquoi tu ne m’as pas dit ton nom, si c’est chiant à retenir. » Elle gloussa quelque peu comme une pintade, sous entendant qu’en fait, il n’avait pas retenu le sien. Elle espérait au moins que petit Toutou serait assez évocateur pour qu’il se reconnaisse si jamais elle devait le recroiser un jour dans le campement, pour le héler de loin parmi les autres raiders des Chiens Pendus. Cette scène, surement prémonitoire, avait comme un goût de friandise prometteuse, en imaginant la tête du trentenaire quand il entendrait sa voix dans un premier temps, l’appeler par son mignon petit surnom dans un second temps, avant de la voir au loin pour finir. La brunette avait de la suite dans les idées. Nullement vexée par la déclaration du raider, lequel aurait volontiers renommé son chien par le prénom de la jeune femme si ça avait été une femelle, elle lui fit un sourire en ajoutant : « Tu vois que tu m’aimes bien, tu veux même penser à moi quand je ne suis pas là. »

Un sourire barra son visage alors qu’elle lui faisait un clin d’œil. La remarque de trois-doigts lui montra également qu’il connaissait bel et bien son prénom, même si elle en avait pas douté, elle s’était vexée toute à l’heure du fait qu’il faisait semblant de l’ignorer. Pourtant elle ne remit pas de l’huile sur le feu. Ça ne servait à rien de revenir sur une conversation terminée, bien que ce soit tout à fait le genre de la maison. On aurait dit une bonne femme dans une crèche, tantôt jetant un coup d’œil au chien, tantôt à la jeune femme, histoire de voir lequel des deux aller oser bouger une oreille. Le chien n’avait pas l’air contre une petite friandise. Elle lui garderait surement un bout de viande séché pour lui faire plaisir. En plus de ça, ça risquait de faire chier le raider. Double points bonus. Il n’attendit pas longtemps avant de repartir à la charge. Plus elle l’écoutait, plus il lui semblait évident que le trentenaire lui faisait un petit complexe d’infériorité.

« T’excite pas beau gosse, ça va. » Elle décolla son dos de la cage pour s’approcher du jeune homme. Son bras gauche, le libre donc, vint se tendre et se poser sur l’autre versant des barreaux, ceux du côté de l’homme. Elle se retrouvait proche, en appui sur son bras, les pieds croisés, comme le ferait une personne désireuse. Avec la main tenant la boite de Cram, elle tapota de l’index, laissant les autres doigts assurer la pince nécessaire à ce que l’objet ne tombe pas, le torse du raider. « Qui te dit que je ne te teste pas pour voir si tu es un gentil petit Toutou digne de ma confiance ? Ou peut être que j’ai follement envie de toi et que je t’imagine me prendre comme une bête la contre les barreaux ? » Elle accentua la pression de son index si tant est si bien qu’il ne s’était pas déjà éloigné. Si tel était le cas, elle allait lui emboiter le pas pour continuer de rentrer dans sa sphère intime, histoire d’être plus provocante que jamais. « Tant bien, je te garde en vie parce que j’ai besoin d’un bras droit, qui sait ? Ou alors, je te fais du gringue parce que je pense que tu es impliqué dans quelque chose de louche à mon encontre et que notre rencontre n’est pas tellement due au hasard et que par cette occasion, petit Toutou, j’essaye de bien me placer pour que tu me gardes comme petite chienne de compagnie. » On aurait dit qu’un démon sulfureux l’habitait. Allez savoir ce qu’il y avait comme merde dans la boite de Cram, si c’était la nourriture qui faisait cet effet là à la raideuse.

Loin d’avoir fini avec sa petite crise, elle enchaina rapidement : « Et comme ça j’ai d’beaux yeux ? » Elle cligna des paupières comme une tarée illuminée. « Et mes lèvres ? Et mes seins ? Et mes hanches, hein, mes hanches ? » Son propos s’accentuait, sous le coup d’une colère naissante. « Trop maigres ? Pfff ! » Elle le poussa au torse avant de se tourner et de sortir de la cage. Plongeant sa main dans le paquet de viande, elle en sortie l’ultime morceau qu’elle balança par dessus son épaule, en direction du chien, laissant soin à son maitre de l’intercepter s’il n’était pas trop abasourdi par ce comportement provoquant. Elle fit quelques pas et vacilla quelque peu sur ses cannes, le front moite de sueur. Plus pour elle même que pour le raideur, elle ajouta : « Merde, je crois que j’ai besoin d’une dose. »

Il fallait reconnaître que la raideuse, sous ses airs « je-m'en-foutiste », avait un petit peu honte de sa dernière tirade digne d'une nana friquée d'avant guerre en mal d'amour et prompte au caprice. Non pas qu'elle connaissait d'ailleurs ce genre de personne, puisque de l'avant guerre, elle n'appréhendait que les divers objets qui trainaient ici et là dans ce monde désolé, mais rien que le comportement en lui-même lui aurait hérissé le poil s'il s'était produit à son encontre. Pire si c'était une femme qui le lui avait fait subir. Sur que cette histoire aurait fini en bataille rangée entre les deux nanas. Quoiqu'il en soit, elle ne pouvait pas remonter le temps pour s'intimer l'ordre de se calmer. Il fallait donc faire avec. Le raider semblait lui aussi s'énerver, et elle le comprenait largement. Il comprenait mieux son surnom, comme tous ceux avant lui, et certainement comme tous ceux après lui. La jeune femme pouvait bien se foutre de sa gueule en lui disant qu'il ne connaissait pas son patronyme, mais elle ? Qu'en était-il ? A part ce nom débile de « Calamity », elle ne savait rien d'autre. Comme ses parents l'auraient appelés ? Elle préférait ne pas y penser. C'était absurde, con, et susceptible de la rendre nostalgique d'un passé qui ne lui appartenait plus. Elle se retourna vers le trentenaire. Pas besoin d'en rajouter en lui tournant ostensiblement le dos comme une gamine que son père venait de gronder. Elle le laissa passer sa colère et son énervement sur sa petite personne, sans piper un mot, ce qui ne lui ressemblait pas tellement, au regard de la petite démonstration forte en gueule qu'elle imposait au jeune homme depuis le début de la matinée maintenant.

Une nouvelle fois, ses yeux bleus allèrent se fixer sur le chien quand son interlocuteur y fit référence. Il était entrain de se lécher une zone qu'un homme, s'il n'était pas au moins contorsionniste, ne pourrait jamais atteindre avec sa bouche. Ce petit spectacle peu ragoutant eu le mérite de fendre les lèvres de Calamity en un petit rictus proche d'un sourire. Surement que l'autre susceptible allait croire qu'elle se foutait bien de ce qu'il disait. Mais tel n'était pas le cas. Elle refit quelques pas vers le jeune homme, sans entrer cette fois ci dans la zone de confort propre à chacun. Le petit tournis dont elle avait été victimes quelques secondes auparavant était passé. Elle se sentait moins nauséeuse et les vertiges étaient également partis. Elle jeta la boite de Cram un peu plus loin, vide elle ne lui servait à rien.

« Ok ok, c'est bon, excuse moi petit Toutou, je me suis énervée pour rien. »

Celle là, il fallait la noter dans le calendrier. Pour une fois que la calamité de Dog City s'excusait... Peut être qu'il allait neiger dans le désert du Colorado, qui sait ? Elle fourra ses mains dans les poches de son mini-short, et croisa les pieds, se dandinant sur place. On aurait dit une adolescente mal à l'aise. Difficile de savoir ce qu'elle était entrain de mijoter sous son air enjôleur. Elle ne savait pas si ça petite crise passagère était due au manque, au si c'était le contrecoup de la dose qu'elle s'était injectée cette nuit. Elle avait envie de se shooter encore une fois, histoire de planer. Mais elle se devait de résister à l'appel de la tentation, même si comme disait l'autre humoriste français, le meilleur moyen de la vaincre, c'était d'y succomber. Oui elle devait tenir, à ce rythme là, les prises se rapprochaient un peu trop dangereusement, et elle avait vu des mecs crever la bouche ouverte d'une surdose. Ce n'était pas tellement la fin qu'elle se souhaitait.

« Mais j'ai toujours pas envie d'aller voir ailleurs, tu veux bien ? » Finie la provocation ? Ou était-ce l'œil du cyclone, le calme avant la tempête ? Toujours est-il qu'elle n'alla pas surenchérir suite aux propos du raider à trois doigts. La brune enleva sa main droite de sa poche, et plissant le nez, elle la porta sur la crosse de son flingue. Elle se tourna de nouveau pour regarder au loin, vers les tribunes. Il n'y avait pas une fragrance agréable dans ce stade, pas d'air, que des ombres, du soleil, et une mauvaise odeur à vous filer un mal de crâne pour trois jours. Dégainant, elle fit tourner, par la loge du chien de détente, le flingue autour de son doigt, à la manière des cowboys dans les films de westerns.

« J'ai envie de me tirer d'ici pour aujourd'hui et d'aller fumer quelques trous duc de l'ERGP, pas toi ? » Termina-t-elle en tournant la tête vers lui. N'étant plus concentrée sur le pistolet, elle ne contrôla pas sa trajectoire et il s'expulsa, à cause de la force cinétique, de son doigt. Il alla rebondir deux trois fois par terre. Au troisième rebond, un coup parti, grillant les oreilles de la raideuse, provocant un écho monstrueux dans le stade. La balle se ficha directement dans le torse du punk de tout à l'heure, le pauvre étant entrain d'emmener la carcasse du chien mort dans la nuit.

« Et merde putain. » Fut les seuls mots qui accompagnèrent l'âme du défunt dans l'au delà, exprimée avec un masque impassible, loin de la surprise d'avoir fait une connerie pareille. Pour le coup, elle semblait blasée, peut être pas d'avoir tué ce mec, mais d'avoir surement gâchée une balle pour pas grand chose. « J'suis sure qu'il allait le donner à bouffer aux autres. » La décharge était en effet de l'autre côté. Mais ça, on ne le saurait jamais.

D’accord, elle pouvait bien la ramener, avec une démonstration pareille, la confiance ne pouvait pas régner. Imaginez seulement deux minutes que l’inclinaison du canon soit toute autre, et le coup aurait pu partir sur le raider à trois doigts, ou sur elle même, voir sur un des chiens alentours. Elle avait surtout fait cette remarque histoire de détourner l’attention de cette petite bourde. La vie ne tenait vraiment qu’à un fil pour les membres des Chiens Pendus. Par le passé, elle avait déjoué la mort plusieurs fois en prenant des risques que certains pourraient juger inutile. Est-ce que sur le moment présent, la calamité avait jugé que la voie qu’elle s’apprêtait à arpenter était la seule possible ? Ou était-ce une forme d ‘inconscience due à une petite déficience au niveau du jugement et de la prise de décision ? En fait, peu importait pour le moment, elle respirait toujours –surement au plus grand dam des hautes autorités de l’ERGP – et son ombre se détachait toujours sur le sol derrière elle. Belle et bien vivante. Toujours est-il qu’elle s’apprêtait à aller ramasser son flingue. A mie hauteur entre le sol et son arme, elle s’arrêta suite aux propos plutôt vexant du raider. La belle brune se redressa de toute sa hauteur, laissant le calibre joncher le sol poussiéreux. Posant les mains sur ses hanches comme une enfant en colère, elle lui répondit tranquillement, les yeux étrangement calmes.

« Quand tu veux je te prends à la bagarre, petit Toutou. » Elle avait tué Mad Dog au corps à corps dans une arène, à la régulière façon raider. Non, le contact physique ne lui faisait fichtrement pas peur. Au contraire même, elle adorait ça. Elle pouvait laisser libre cours à toute la violence et la méchanceté qui l’habitaient. D’ailleurs, elle était bien chaude pour se friter. « Tu fais que dire des trucs de merdes qui me donnent envie de te coller une balle, mais c’est pas marrant. Tu as raison, j’ai bien envie d’un tête à tête romantique avec toi. » Justement, le manque allait la stimuler, la rendre méchante et hargneuse. Calamity allait lui montrer sa notion de romantisme en tête à tête. Après tout, il n’arrêtait pas de la chambrer depuis toute à l’heure, et inévitablement, il fallait bien que ça finisse par un corps à corps. Certains se seraient orientés vers un assaut à coup de rein, et d’autres se seraient purement et simplement affrontés comme des chiffonniers. Le petit couple du stade s’orientait passablement vers la seconde option. Quand il s’agissait de faire un combat de bite pour montrer qui avait la plus grosse, elle était toujours partante.

Certes, elle ne faisait qu’un mètre soixante quatorze pour un poids mouche de soixante kilos toute mouillée, mais c’était une boule de nerfs quand elle s’y mettait réellement. Néanmoins, elle n’était pas encore dans un excès de pure folie. Elle gardait le contrôle sur ses émotions et sa colère. Il lui fallait plus qu’un petit défi pour la faire sortir de ses gongs. Non pour le moment, il s’agissait d’un jeu. Un jeu de main et donc de vilain, parfait pour les bandits qu’ils étaient au demeurant. La brunette allait enchérir encore une fois en lui disant que s’il gagnait, il aurait le droit de disposer d’elle, mais finalement, elle se ravisa. Après tout, elle ne savait pas de quoi il était capable. Délaissant son flingue pour de bon, la jeune femme s’approcha du trentenaire dans l’idée de lui mettre une bonne droite. Là, c’était évident qu’elle allait rentrer dans son espace personnel pour le frapper au visage. Elle arma bien au dessus de son épaule, comme une grosse débutante, le coup était prévisible. Cependant, elle envoya son poing comme un boulet de canon. Quelqu’un avec des notions de corps à corps esquiverait facilement ce coup de poing, et puisqu’il faisait le malin, il devait bien pouvoir éviter ça. Sinon, il avait tout intérêt à commencer à numéroter ses dents pour les remettre en place ensuite quand l’impact les aurait faites sauter. Le but n’était pas qu’il se prenne une mandale digne d’un boxeur, mais bien de tester ses réflexes. Pour le moment, elle n’était pas sérieuse, se foutant même de sa gueule en faisait cela. Mais une chose était sure, elle était bien décidée à lui montrer qui des deux pouvaient les poser sur la table pour dire c’est moi le chef.