La raideuse jubilait intérieurement – et ça devait se voir à l’extérieur, c’est aussi bon que le bifidus ça – d’avoir foutu sur le cul son compagnon matinal. Elle était certaine qu’il allait réagir, et ne pas se laisser taper comme une mauviette des terres dévastées, car après tout, il passait son temps à dire que ce n’était pas un petit chihuahua sage et discipliné, et que s’il obéissait aveuglement depuis leur rencontre, c’était qu’il était dans une bonne journée. Mais Calamity se doutait bien qu’il ne prendrait pas un poing dans la figure juste pour bien se faire voir, ce n’était pas le genre du trentenaire, du moins, de l’idée qu’elle s’en faisait. Avec sa grande gueule digne d’elle, il fallait le reconnaître, même s’il n’était pas très subtil au départ, le rouleau compresseur de la raideuse en matière de taquinerie l’avait rendu plus pointu dans ses réponses. Et voilà comment on forme un nouveau chiantos des terres arides du Colorado. Bref, son premier coup de poing fut aisément évité, mais il avait du méjuger de la force physique de la jeune femme si bien qu’il recula et se retrouva sur le postérieur. Elle ne payait pas de mine, avec son petit mètre soixante quatorze et sa carrure svelte, mais elle avait de l’expérience en ce qui concernait les bourre pifs. Qui plus est, en armant son bras de cette façon, elle était certes plus prévisible, donc plus facilement évitable, mais en contrepartie, elle avait quelques centimètres en plus pour faire prendre de la vitesse à son poing qui arrivait donc logiquement avec plus de force. Oh et puis elle l’avait bien appuyé, balançant son corps dans l’action, imposant à la vitesse de son bras une force corporelle accompagnatrice.

Le raider sembla piqué au vif parce qu’il lui rétorqua, le cul poussiéreux, qu’elle était susceptible. Bah c’était évident qu’elle n’allait pas le contredire, la susceptibilité faisant partie des défauts qu’elle cultivait au quotidien, avec la mauvaise foi, la provocation, la moquerie, et j’en passe. Aussi, histoire de continuer à le provoquer, même dans cette situation, elle lui répondit directement :

« Non, tu es le premier à me le faire remarquer petit Toutou. »

Il s’attendait à ce qu’elle le frappe par terre. Pour le moment, ce n’était pas son ennemi, plutôt un jouet, comme une petite souris qu’un chat aurait débusqué pour faire mumuse avec pendant un moment, de manière sadique et immorale, avant de mettre fin à ses souffrances en la bouffant. Calamity n’irait pas jusqu’à manger son partenaire, ce n’était pas une chatte, ni une menthe religieuse, ni une Gormogon. La brunette le laissa donc se relever. Non, pour le moment elle ne s’abaisserait pas à ça. En d’autres circonstances, fut-ce-t-il son ennemi par exemple, elle aurait volontiers sauté sur lui histoire d’en rajouter une couche – elle aimait bien rouler par terre en cognant – mais ça attendrait que le combat s’envenime un petit peu. L’atmosphère agitée exacerba l’agressivité des chiens dans les cages. D’ailleurs, la jeune femme espéra un instant que son propre chien n’intervienne pas dans la bagarre, étant en liberté. Ca aurait un côté marrant, il fallait le reconnaître. Mais Mad Dog ne semblait pas excité par l’ambiance et il restait sagement le cul posé par terre, la langue haletante, captant le peu d’humidité ambiante.

« Couchez les toutous ! » Les aboiements avaient le don d’énerver la jeune femme. C’était un peu comme ci ils stimulaient son agressivité, donnant un rythme lancinant à ses oreilles. M’enfin, pour le moment elle restait maitre d’elle même. Enfin son petit Toutou s’apprêtait à répliquer. Elle ne savait pas trop s’il était bon ou pas au corps à corps, mais puisqu’il avait osé la ramener, c’est qu’il devait tâter un peu. Il lui balança un coup de poing qu’elle bloqua avec ses avants bras. Elle ne voulait pas lui montrer qu’il la faisait reculer. Elle aurait pu faire un pas en arrière histoire de laisser le poing filer, mais c’était jouer les midinettes. Erreur s’il en est, elle se fit faucher au même instant au niveau de ses cannes. Réflexe primaire plus que prémédité, la donzelle s’accrocha au bras qu’elle venait de parer tout en tombant, espérant bien emmener le raider avec elle au sol. Si ça ne fonctionnait pas, alors elle essaierait de planter son pied dans les parties du trentenaire, histoire de donner le change. C’était bas et vicieux, mais chez les raiders, quand on se bat, les règles n’existent pas. Quoiqu’il en soit, elle poussa un gémissement quand son dos heurta le sol poussiéreux lui coupant le souffle un instant. L’important dans cette situation, était de se relever le plus vite possible, surtout si l’adversaire n’avait pas suivi par terre. Sinon elle allait se retrouver dans une position délicate, et elle n’était pas certaine que le raider fasse preuve d’autant de galanterie qu’elle-même à son égard quand il était au sol... Après, s’il était tombé avec elle, elle tenterait un gros câlin, en l’espèce, pour l’enlacer dans un jeu non pas érotique, mais plutôt guerrier, en tentant de lui faire une clé de bras, de jambe, en fait peu importe, la première partie du corps qui lui tombait sous la main.

Après, on a pas toujours ce qu’on veut ...

Finalement ça avait du bon de s’agripper comme une moule à son rocher. La jeune femme réussit par ce procéder à emmener le raider avec elle, au sol. Ca lui donnait un peu de répit pour essayer de tenter quelque chose. Ce n’était pas la première fois que des raiders se battaient entre eux, surtout dans ce camp de tordu. Néanmoins, il n’y avait pas grand monde dans le stade en cette douce matinée, et le fait que la patronne se bagarrait avec un autre Chien Pendu n’attira personne. Seuls les chiens continuaient d’aboyer, n’en aillant rien eu à foutre de l’intervention de la patronne quelques secondes auparavant. La discussion entre les deux protagonistes avait prit une autre tournure. Finies les phrases acerbes et assassines, place à une bonne salade de poings, de pieds, le tout assaisonné avec des coups de têtes, et saupoudré d’un zeste de technicité. La brunette l’avait trouvé un petit mou sur la première phase de son assaut. Cependant, ce coup camouflé l’avait surprise au plus haut point, et ce n’était peu dire puisqu’elle était tombée sur le dos. Le combat devenait vraiment intéressant. La jeune femme aimait le corps à corps musclé.

Il est vrai que si l’ERGP avait des observateurs susceptibles de zyeuter par dessus les gradins du stade pour en voir le centre, leurs meilleurs experts auraient tôt fait de conseiller à Sullivan de les laisser dans leur coin s’entretuer. Enfin ce n’était peut être pas une si bonne idée que ça, les raiders pouvaient sélectionner les meilleurs d’entre eux et tuer les plus faibles, ce qui laisserait au gang que les plus forts et donc les plus redoutables. Non en fait, il n’y avait pas vraiment de logique dans tout ça. Calamity avait attaqué son confrère suite à une petite provocation digne d’être relevée par un mec bourré dans un bistrot. Il n’y avait rien de sociologique dans cette attaque, pas de sélection naturelle, quedal. Juste de la violence, et une histoire de burnes. Bon en même temps, au point où ils en étaient de leur conversation toute en nuance, l’issue de la rencontre ne pouvait être autre.

Nous en étions donc au moment où les deux corps frappèrent le sol de leur masse à quelques secondes d’intervalle. Même si son souffle n’était pas complètement revenu, Calamity ne pouvait pas se permettre de perdre une seconde à se faire une manucure. Un combat, c’était à mort, du moins dans son esprit, et par conséquent, tout son être devait être orienté vers son adversaire pour triompher. Bon, elle était sérieuse dans cet affrontement, mais elle n’allait certainement pas le tuer. Enfin pas sciemment, mais un accident est si vite arrivé ! Elle avait donc dans l’idée d’attraper un des membres du trentenaire pour lui infliger une clé de bras, histoire de l’obliger à se soumettre. Elle s’empara de son bras, qui semblait être le plus proche. Il forçait comme un baudet pour se défaire de sa prise, ne se laissant pas faire. Et il avait plutôt raison, car si elle parvenait à affermir son assise sur son bras, elle aurait pu lui faire une clé. Bien entendu, la jeune femme essayait de forcer plus que lui histoire de gagner cet espèce de bras de fer à moitié allongé sur le sol. Brusquement, il relâcha la pression et du coup, elle se vit entrainer par sa propre force, passant par dessus le bonhomme pour chuter sur le sable poussiéreux. Elle avait fermé les yeux lors de l’impact, plus par réflexe que pour ne pas avoir de la poussière dans ses orbites.

Ainsi dans cette position pas très catholique, elle se retrouvait exposée, lui présentant son dos et son flanc droit. Elle encaissa un coup de poing dans les côtes qui provoqua une douleur dans son ventre et qui lui installa un peu de force pour rouler suffisamment pour se remettre face au raider. Ni une ni deux, elle empoigna avec une de ses mains du sable, pour l’envoyer aux yeux du raider, histoire de l’aveugler. Qu’il soit aveuglé ou pas par ce geste vicieux, elle fonça à moitié à quatre pattes sur lui pour lui sauter dessus en criant comme une dératée, histoire de se retrouver sur son buste, un peu comme-ci elle le chevauchait, afin d’essayer de le bloquer au sol. Bon ça, c’était l’idée. Quant à savoir si ça allait fonctionner, c’était une autre paire de manches.

Ca devait être l’adrénaline qui faisait en sorte que la raideuse se montrait aussi déterminée par ce combat malgré le coup qu’elle avait encaissé dans les cotes. Elle sentait la douleur en arrière fond, comme le bourdonnement agaçant d’un moustique la nuit qui tournait autour de sa future proie. La jeune femme n’avait pas tellement le temps de s’appesantir sur la souffrance de son organisme qui, elle le savait, lui ferait payer bien plus cher une fois que l’hématome serait sorti sur son flanc. A ce moment là, elle aurait tout le loisir de pester contre le raider responsable, ou contre son incapacité à se défendre correctement. Bon en même temps, c’était le genre de douleur prompte à la faire rigoler ensuite, surtout quand les deux combattants s’étaient donnés de toutes leurs forces sans faire de cadeau à leur opposant. Un état d’esprit qui lui était propre et qu’on pouvait retrouver chez pas mal de gens.

Le sable était une vieille astuce qu’elle employait régulièrement pour se défendre, à la manière d’une pieuvre lâchant de l’encre sur son prédateur pour lui échapper. Ca ne mangeait pas de pain, et si c’était bien effectué, ça ne coutait pas trop d’énergie, sans être prévisible par son adversaire. L’humain avait se réflexe naturel de fermer les yeux pour essayer de s’y soustraire, emprisonnant souvent les grains poussiéreux dans leur orbite. Un animal sauvage n’en aurait eu cure et aurait sauté sur sa proie sans faire vraiment attention à cette petite gêne. Grâce à cette petite manipulation, elle parvint à retourner momentanément la situation et ainsi, elle pu se jeter sur son adversaire dans le but de rester sur lui, le laissant à sa merci. La manœuvre porta ses fruits et la calamité se retrouva sur le raider à trois doigts. Il avait une drôle de tronche, les yeux plissés, voir fermés, entrain d’essayer de se défendre. La jeune femme allait se prendre un fou rire, quand le jeune homme leva les bras pour empoigner ses vêtements, à l’aveuglette, histoire d’essayer de la déloger de sa position. Il empoigna effectivement les vêtements de la raideuse, tout en lui agrippant un sein en passant, manquant de lui déchirer le t-shirt sous sa chemise ouverte.

La brunette couina sous l’effet de la surprise. Elle était déjà passablement dardée du fait de l’effort physique, mais ce contact viril lui fit perdre une partie de ses moyens, et ses mains qui tentaient de maintenir le raider au sol entre ses cuisses quittèrent le torse du trentenaire pour essayer de chasser les paluches baladeuses – bien malgré lui – de son adversaire. Le raider avait du sentir la pression diminuer un instant, car d’un coup de rein au niveau du bassin de la jeune femme, il la fit basculer sur le côté, sur le dos, et pas sur le ventre comme il aurait aimé que ça se passe. La raideuse se retrouva sur les omoplates, coincés entre le jeune homme et le sol, essayant de se dégager en poussant sur ses jambes. Elle profita de l’accalmie qui découla du fait qu’il s’essuyait les yeux pour en chasser les grains de sable pour dire quelques mots, le souffle court :

« Bah petit Toutou, on en profite ? » Dans cette position, elle n’offrait pas vraiment de résistance et elle était exposée à une attaque au visage, ou au corps. Elle gardait ses mains au dessus de sa tête posée dans le sable, les cheveux épars, sans chercher à cacher son visage d’un éventuel coup. La jeune femme fixait le raider de ses yeux bleus, attendant de voir comment il allait réagir, s’il allait continuer à la peloter, à l’attaquer, ou s’il allait être décontenancé du manque d’implication soudain de la raideuse.

Calamity ne comprenait pas toujours les réactions qu’elle avait par moment. Pourquoi cette soudaine envie de passer à un autre débat plus intime au lieu de continuer à lui mettre une raclée ? Elle ne se l’expliquait pas vraiment alors qu’elle sondait le regard du raider. Pourtant, elle n’estimait pas être une de ces filles qu’on pouvait sauter comme ça sans rien apporter en retour. Du coup, elle mettait ça sur le fait de l’instinct animal qui devait bien encore exister chez les humains. Après tout, quand on voyait l’état du monde aujourd’hui, les humains étaient pour la plupart des bêtes assoiffées d’un petit confort personnel. L’ERGP, ou n’importe quel groupe ne dérogeait pas à cette règle. Il y avait de grands chefs, qui pensaient eux à leur confort, et des larbins qui essayaient d’avoir une part du gâteau du patron en leur léchant le cul et en faisant le sale boulot. Ca avait toujours été comme ça, et ce n’était pas un hiver atomique qui allait changer quelque chose à l’esprit humain. On disait bien que les idées étaient invincibles, contrairement à la chair qui les porte et les défend. Elles traversent les âges et les catastrophes, survivant aux humains. L’idée d’un monde anarchique où les plus forts faisaient ce qu’ils voulaient été pour le moins bien ancrée dans le coin.

Enfin bref, la jeune femme attendait donc une quelconque réaction de son homologue. Il ne profita pas de sa position haute pour prendre un avantage dans leur combat, pas de coup, ni rien. Il ne chercha même pas à profiter de ce corps offert. D’autres que lui en aurait abusés. Le raider réagit comme elle s’y attendait plus ou moins inconsciemment. Il la repoussa tranquillement en lui disant qu’elle n’était pas son genre. Elle lui fit un sourire alors qu’il prenait du recul histoire de ne pas subir une contre attaque de sa part. Et comme à son habitude, il s’indigna, agacé, de son comportement. Décidément, il ne savait pas parler aux femmes. Toujours à la remettre en cause pour un oui ou pour un non. Elle se redressa sur son séant, les jambes étendues devant elle. Avec ses mains, elle s’épousseta un petit peu, chassant les grains de sable et la poussière de ses vêtements supérieurs. Elle en profita également pour remettre son t-shirt un peu plus convenablement.

« Si je te draguais mon lapin, t’aurais déjà ma langue dans ta bouche. Te prends pas pour le beau gosse que tu n’es pas. » Elle semblait vexée. Tranquillement, elle se redressa sur ses jambes. Elle ajouta, histoire de donner le change : « Si se battre, c’est se rouler par terre, tu fais ça plutôt bien petit Toutou. » Son ton n’était pas agressif, contrairement à ses propos, il fallait bien le reconnaître. Elle termina de virer la poussière des vêtements de ses jambes. Bon elle n’était pas coquette au point d’aller prendre une petite brosse pour se donner une belle allure, mais elle avait horreur de sentir les petits grains s’insinuer entre sa peau et ses habits. Après quoi, ça lui grattait partout. Quoiqu’il en soit, la calamité semblait détendue. Elle avait juste soif, et c’était normal après ce petit exercice physique, certes rapidement effectué, parce que le combat n’avait pas duré longtemps, mais il commençait à faire chaud. Elle avait quand même mauvaise mine, avec ses cheveux ébouriffés, poisseux de sueur, et par conséquent, plein de sable et de poussière. Son visage était également marqué. On aurait dit un vilain garnement qui revenait, penaud, d’une virée qui avait tourné au désastre.

Le raider ne semblait pas s’être rendu compte qu’une de ses mains avait malencontreusement attrapé une partie de l’anatomie de Calamity que pas mal d’homme aimerait toucher. La raideuse ne s’en formalisait pas tellement à vrai dire, car si dans un affrontement, elle en était réduite à attraper les couilles d’un bonhomme, elle ne s’en priverait pas. Dans le cas présent, si la jeune femme avait tout stoppé pour faire du rentre dedans au raider, c’était simplement pour l’emmerder. Elle savait qu’il était plutôt tatillon sur se point là. En tout cas, pour se battre, il n’avait pas de problème à être proche de son corps. Calamity se mordillait la lèvre inférieure, réfléchissant à la suite des évènements. Est-ce qu’elle allait de nouveau lui sauter dessus pour se battre, ou est-ce qu’elle allait passer à autre chose. Telle était la question. Histoire de trancher à moitié, elle décida d’essayer de piquer l’égo du raider, et peut être qu’ils passeraient à autre chose, ou qu’ils se remettraient sur la tronche dans les quelques minutes qui allaient suivre.

« En tout cas, si tu veux des petits conseils pour te battre, je veux bien te donner des petites astuces. Tu me semblais un peu mou, petit Toutou. »

En tout cas, elle semblait toujours égale à elle-même.

« T’es marrant toi, je ne vais pas t’envoyer une carte avant de te taper, faut pas rêver ! Surtout que tu venais de me provoquer en duel, c’était pourtant limpide. » Elle soupira, bien plus détendue que son homologue masculin. C’était ça d’être le plus agressif et le plus imprévisible des deux ; au moins on pouvait prendre du bon temps pendant que l’autre était crispé comme un cadavre refroidit depuis une nuit, se demandant à quelle sauce il allait être mangé. Elle aurait pu lui dire qu’il ne risquait rien maintenant que tout était terminé, mais à quoi bon ? Cette situation avait le don d’amuser la raideuse. Décidément la patronne n’avait pas perdu son temps en allant vérifier cette cage ce petit matin. La journée avait commencé d’une manière assez gerbante, désormais, elle avait un petit arrière gout de viennoiserie. Succulent. Alors autant dire qu’elle n’allait pas lâcher son jouet de ci-tôt. Et malheureusement pour lui, il était bel et bien rentré dans la mémoire à long terme de la patronne, et même après la prochaine dose de drogue lui cramant les neurones, il serait toujours là dans un coin de son esprit. Pas sur que la journée avait un gout de pain au chocolat dans la bouche du jeune homme.

Oh il essayait bien de se montrer détendu en parlant, mais tout dans son attitude criait le contraire. Ce n’était pas à une roublarde comme Calamity qui allait avaler des couleuvres. Elle était un petit peu comme ces animaux qui sentaient leurs forces croître au fur et à mesure qu’ils reniflaient la peur suintante des pores de l’épiderme de leur prochaine victime. A dire vrai, elle ne ‘reniflait’ pas vraiment de la peur, mais surtout beaucoup de méfiance. Quoiqu’il en soit, il rejeta, sans prendre le temps de réfléchir, la proposition de Calamity concernant ses trucs et astuces utiles dans l’exercice de style qu’était le combat – à mort ou pas d’ailleurs. La patronne ne fut nullement vexée pour le coup, puisqu’elle essayait juste de se moquer de lui. Et le voir accepter aurait été jubilant, il est vrai, mais le voir refuser n’avait rien d’inattendu. Décidément, il essayait sans cesse d’aller lui faire voir ailleurs. Elle rebondit d’ailleurs la dessus :

« Tu en as marre de moi petit Toutou ? Pourtant tu remues la queue depuis que tu es en ma compagnie... » Elle adopta l’air faussement vexé de la nounou déçue de voir que le bambin avec qui elle passait du temps, n’était pas aussi réceptif qu’il le devrait, à ses stimulations préparées depuis des jours en vue de ce rendez-vous. En même temps, la raideuse ne l’empêchait pas d’aller voir ailleurs s’il le souhaitait. Après, de là à ce qu’elle ne le suive pas, il n’y avait pas loin. Il n’y avait rien d’inhabituel dans le comportement de la jeune femme. Quand elle tombait sur quelqu’un d’intéressant à emmerder, elle ne le lâchait plus pendant un moment, jusqu’à ce qu’elle en est marre de jouer avec ou que des obligations un peu plus importantes lui faisaient coucou. Nulles obligations en vue, et elle en n’avait pas encore marre. Le raider n’était pas près de se débarrasser d’elle. Tout en l’écoutant, et en lui tournant le dos d’ailleurs, preuve qu’elle n’était nullement stressée par la suite des évènements, la brunette se mit en quête d’aller ramasser son flingue trainant toujours dans la poussière du stade. Ils étaient sur la pelouse, ou du moins, à l’endroit où elle aurait du être. Calamity n’en savait rien à vrai dire. Sur les photos et images qui trainaient ici et là dans les locaux, il y avait bien une étendue verte, mais de là à savoir ce que c’était réellement, elle s’en foutait un peu. Ca faisait un bout de temps qu’on n’avait pas vu une belle pelouse dans le coin. Le sol était terreux, sableux, poussiéreux, et très certainement irradié.

« Pourtant, je suis plutôt claire dans mes actions, non ? » Sous entendu qu’il était simple de lire en elle comme dans un livre ouvert. Alors pourquoi doutait-il de ce qu’elle faisait quand elle approchait de lui ? Sérieusement, c’était encore de la provocation gratuite. Elle savait très bien qu’elle n’était pas toujours rationnelle dans ces choix d’interactions sociales. « Puis ça va, ce n’était qu’un peu de sable... et c’est toi qui a commencé à m’envoyant par terre. » Non ce n’est que très rarement sa faute à elle. Une fois le pistolet à nouveau à sa place, dans la ceinture, la calamité revint tranquillement vers le raider, s’arrêtant à une distance respectable, histoire de continuer à converser. Elle lui fit un sourire charmeur avant de répliquer.

« Vexée ? Moi ? Ja-mais ! » Elle balaya l’idée de la main en levant les yeux au ciel, comme-ci elle le prenait pour un débile d’avoir des idées de la sorte. « Et sache, petit Toutou, qu’auparavant, du temps de mon bien aimé Mad Dog, une fois que je lui avais mis le grappin dessus, aucune autres pouffiasses ne venaient rouler du cul sur mes plates bandes ! » Il fallait bien rester logique avec ces précédents dires, comme quoi elle était le jouet sexuel de l’ancien taulier. Et la Calamity ne partageait pas facilement. Quant à savoir si elle levait des mecs justes pour son grade, elle préféra ne pas relever. Il y avait des répliques plus intéressantes à dire. « Et c’est ton cas alors ? Tu viens me manger dans la main en faisant style que tu préférerais être ailleurs plutôt qu’avec moi pour que je ne m’en rende pas compte ? » Toujours rebondir sur les dires vexant de son interlocuteur pour l’inclure dedans et retourner la situation. C’était un drôle de jeu auquel ils se livraient tous les deux. En fait, elle avait remarqué que faire comprendre à son interlocuteur qu’il était intéressé alors qu’il ne l’était clairement pas, entrainé chez lui une réaction de rejet des propos et une défense hasardeuse qu’elle pouvait aisément enfoncer ensuite. Histoire d’enfoncer le clou, elle ajouta :

« J’suis vraiment désolée, j’aurai du garder un morceau de viande pour te le faire manger... Mais tu peux lécher les miettes si tu veux. » Et sur cette dernière phrase, elle tendit la main, paume vers le ciel, les doigts tendus, pour qu’il vienne lui manger dans la main...

En fait elle ne comptait pas forcément en parler. De toute manière, elle savait que ce n’était pas vraiment sa faute. Il avait sans doute pécher par orgueil en la ramenant ici plutôt qu’en la tuant directement. Mais bon, elle n’avait pas envie que son joujou s’en ailler, aussi avait-elle du dérouler son jeu. Jusqu’à ce matin, elle ne savait pas qui était ce Jax Trois-Doigts. Il y a quelques semaines de ça, on lui avait dit que ce fameux Trois-Doigts avait ramené une gonzesse au camp, qui se prétendait être une Sullivan. Après quoi, elle s’était faite la malle en tuant quelques raiders au passage. La patronne ne connaissait pas toute l’histoire puisqu’elle n’était pas là, aussi trouvait-elle curieux que lui s’en soit tiré sans être tué comme les autres. Cette question viendrait en temps et en heure. De toute manière, elle n’était pas là pour le juger ou quoique ce soit d’autre, puisque ils n’étaient pas dans un tribunal. A vrai dire, un tribunal n’avait pas vraiment sa place dans le coin, la justice façon raider était plutôt expéditive, et par trop souvent subjective. On faisait à la tête du client et en fonction de la connerie. Pas besoin de réfléchir plus que ça. Finalement, elle eu se qu’elle escomptait, à savoir que le trentenaire revienne sur ses pas, ou du moins s’arrête, ne continuant pas son chemin.

Elle croisa les bras, façon directrice collège. Il ne la quittait pas des yeux. Calamity était persuadée qu’il se demandait si elle allait lui coller une balle, ou pire. Elle n’était pas dans sa tête donc elle ne pouvait pas en être sure, mais elle comptait bien jouer sur la menace pour le garder encore un petit peu et le laisser partir ensuite. Enfin le laisser partir, c’était relatif. Non, il partirait quand elle l’aurait décidé en aillant l’impression de partir de son propre chef.

« En fait, je te connaissais pas avant de remarquer la disparition de deux de tes doigts. Une fois ce constat fait, c’était facile pour moi de mettre ta tronche sur le nom que l’on m’avait donné. » C’était donc une coïncidence si ils s’étaient rencontrés aujourd’hui. Elle ne cherchait pas spécialement après lui depuis qu’on lui avait raconté cette histoire. Oh c’est sur, elle avait piqué une petite crise quand on lui avait dit que la fille de Sullivan s’était faite la malle, car ça la privait d’un atout fort prometteur pour faire chier ce con de gradé de l’ERGP. Si seulement il avait pété sur la grenade qu’elle lui avait envoyé, avec amour en plus ! Mais non, l’avait fallu qu’il refuse son cadeau venu du cœur. L’enfoiré. Après sa petite crise, la raideuse avait oublié cette histoire. T’façon, pour ce qu’elle en savait, ce mec à trois doigts étaient surement mort quelque part lors d’un raid. « Donc comme tu vois, je ne suis pas venue exprès pour ça, petit Toutou, mais juste pour faire connaissance et pour passer le temps. » Les vieilles habitudes, même récentes, avaient la vie dure. Elle continuerait surement de l’appeler par ce petit sobriquet dans les années à venir, pour peu qu’ils vivent assez longtemps pour le voir.

La calamité ne comptait pas tellement l’interroger la dessus, mais voilà qu’il se livrait de lui même. C’était mignon, il essayait de se défendre sans vraiment le faire, d’un style se voulant du courant du je m’enfoutisme. Elle balaya encore une fois ses arguments d’un geste agacé de la main.

« T’es une vraie pipelette ma parole, t’arrêtes pas de jacasser. J’ai même pas le temps d’en placer une que tu pleures sur mon épaule. Je t’ai frappé ? Je t’ai fait du mal ? Je t’ai menacé ? Bon, un petit peu, mais c’est pas une raison pour se pisser dessus comme ça en faisant style... » elle essaya d’imiter la voix d’un grand gaillard... « j’suis un gros dur, je crains rien, fais ce que tu veux de moi, je m’en fou, je vais pas pleurer pour une connerie que j’ai pas faite... » sa voix revint dans les tons qui lui étaient propre... « et blablabla et blablabla. » Elle soupira. Elle déformait surement les propos du jeune homme, mais qu’importe. Elle n’était pas à ça près pour emmerder le monde.

« Toute façon, j’lui demanderai la prochaine fois que je le vois, le Sullivan. » Elle doutait qu’il lui laisse le temps de poser ne serait-ce qu’une question, après l’accueil qu’elle lui avait réservé la dernière fois qu’il s’était croisé. Elle marqua une pause avant de revenir à ses premières considérations, tapant du pied par terre en même temps que le premier mot de sa phrase sortait d’entre ses lèvres, à savoir un beau : « Merde ! Tu fais chier, tu te plains toujours, pourquoi tu profites pas du beau temps ? J’suis pas assez de bonne compagnie pour toi ? Peut être que mÔsieur préfère les demoiselles en froufrous et en jupettes et qui gloussent comme des pintades quand il roule des bras ! » On commençait sérieusement à s’éloigner du cas de la présumée Sullivan, mais quand Calamity était lancée, c’était difficile de l’arrêter. Au fil de la matinée, le raider avait sans doute remarqué qu’elle ramenait tout à elle, comme-ci à chaque fois qu’elle subissait un échec, c’était de sa faute. On aurait presque dit qu’elle était dans la séduction, sans vraiment l’être, puisqu’elle ne semblait avoir d’arrière pensée. Surement un putain de problème d’égo.

« En plus, c’est pas comme-ci je lui propose de faire ce qu’il veut ! Oui ce qu’il veut, et qu’est-ce qui me dit ? Qu’il en a marre de moi ! L’ingrat ! Le pouilleux, l’enculé ! » Jax n’existait presque plus dans les reproches qu’elle faisait. Il était ce fameux « il » impersonnel, un peu comme ci il n’était pas proche d’elle. « Putain ! T'es pas content, ben barre toi ! » Elle fourra la main dans sa poche et elle en sortie un inhalateur bien spécifique. D’une traite, elle se fourra dans la bouche avant d’appuyer sur la gâchette. Dans deux minutes, elle allait être complètement jetée, le temps que le Jet qu’elle venait de prendre pénètre ses poumons, et passe dans le sang. Non seulement c’était une drogue, mais en plus de ça, c’était vraiment de la merde. Ouais, de la merde de brahmine en spray.

Le raider ne voulait pas faire la paix ni faire de câlin. Pourtant, elle y mettait du sien pour essayer de se montrer gentille, comme il l’avait suggérer. Tant pis, ce serait surement pour une prochaine fois. Il paraissait évident que la raideuse était de plus en plus jetée. Le produit s’insinuait dans son sang au fur et à mesure que les alvéoles de ses poumons le laissaient passer. Après quoi il arrivait rapidement au cœur qui l’envoyait directement dans le cerveau ou la substance psychoactive qui faisait toute la différence avec de la simple merde de vache à deux têtes, s’amusait avec les neurones du consommateur pour le faire délirer, planer, et tous pleins de trucs joyeux. Jusqu’au contrecoup qui arrivait souvent dans la demi-heure ou l’heure qui suivait la prise. Il se manifestait généralement de différentes façons selon la personne concernée, mais chez Calamity, cela s’apparentait à une crise de paranoïa où de petits voix lui intimaient l’ordre de se méfier de tout et de rien. Bien souvent, des douleurs physiques accompagnaient les hallucinations et c’était prostrée que la calamité affrontait le dernier round de la drogue. Et bonjour la gueule quand la conscience revient peu à peu, plus claire et plus limpide. Bien souvent, un sentiment de honte l’accablait. Mais pour le moment, la jeune femme était encore dans la phase bisounours et le monde y l’est beau. Heureusement pour elle et pour le trentenaire, elle ne se souvenait que très vaguement de son comportement pendant cette période. Habituellement, elle se shootait en privé, prenant soin de ne pas trop s’exposer aux yeux de tous, de peur de succomber à une attaque sournoise et perfide de la part d’un de ses collaborateurs – parce qu’on ne pouvait sciemment pas parler de collègues au regard des relations qui unissaient tout ce beau monde.

La colère, la frustration, et la provocation avaient conduit à la prise de Jet alors qu’elle n’était pas cloitrée quelque part en sécurité. L’homme l’avait clairement énervée, et pour décompresser un coup, elle avait eu besoin de cette dose. En même temps, elle en mourrait d’envie depuis une bonne demi-heure environ. C’était vraiment son pêché mignon et un des rares moments où elle était vulnérable et quasiment inoffensive – tant qu’elle n’était pas dans la seconde phase des effets de la drogue, parce qu’une fois dans la phase parano, elle aurait plutôt tendance à tirer à vue sur quiconque. Avec la même voix plate, elle répondit simplement au raider :

« Ouais c’est ça, barre toi ! » La vitesse d’élocution était proche de la vitesse de pointe d’un escargot en manque de bave par un jour de grande sécheresse, et le ton était dénué d’émotion. Son regard brillant commençait à se faire vague et lointain. Elle se tourna, n’écoutant déjà plus le bonhomme, préférant le laisser que de courir après partout dans le stade. Etait-ce un accès de conscience ou une nouvelle feinte ? Pas du tout, en fait, elle avait repéré un bout de ferraille qui l’intéressa grandement.

« Oh, la belle petite plante. Je vais te cueillir pour te mettre dans ma belle maison fleurie que j’ai. » Elle entreprit de prendre le bout de métal et de le porter précieusement. Puis soudainement, elle le balança sur une cage avec une rage visible. « Saloperie de rose, tu m’as piquée ! » Il était temps pour le raider de s’éclipser. De toute manière, elle n’en avait plus rien à foutre de lui, il ne devait plus exister dans son délire. A moins qu’elle ne remette les yeux dessus. Mais bon, pour le moment, elle en était à errer non loin de là en cherchant dieu seul savait quoi. Petit à petit elle arriva près du cadavre du bonhomme qu’elle avait flingué, bien malgré elle, toute à l’heure. Du bout de la botte, elle tata ses cotes pour éprouver le corps. Peut être que les paroles du jeune homme à trois doigts l’avaient finalement touchée et qu’elle allait s’occuper de lui.

« Oh gamin, lève toi, merde ! » Calamity était entrain de parler au cadavre, lui donnant cet ordre saugrenu. Le cadavre du chien qu’il transportait, chien qui d’ailleurs, est à l’origine de cette histoire, gisait à côté de lui, tout aussi inerte, du fait de son décès tout naturellement. « P’tain, t’as crevé le clébard ! Enculé de fils de pute ! » Elle bourra le mou du punk avec ses pieds, pour finalement sortir une nouvelle fois son flingue et vider un chargeur complet dans le buffet du malheureux qui ne devait plus rien sentir à l’heure actuelle. Au moins, elle ne tirerait plus sur personne avant d’avoir rechargé, ce qui n’était pas près d’arriver dans son état. Apparemment satisfaite, elle s’éloigna encore. Lasse de lutter contre les effets de la drogue, elle s’écroula entre deux cages, au même endroit d’où elle avait émergé le matin même avant de se rendre aux cages. La boucle semblait bouclée.