Il traîne sa carcasse en boitant, comme d'habitude. Il n'aime pas venir dans Dog City et encore moins se rendre à se foutu stade. Devoir rejoindre les raiders, cette bande de minable qui avait reçu la clémence de Maximus. Octavius ne le comprenait toujours pas d'ailleurs. Certes, leurs chiens étaient plutôt bon et ça arrangeait bien le maître chien d'avoir de la chair fraîche à porter de main, mais... Traiter avec des Raiders, une véritable insulte. Une insulte d'autant plus grande pour Octavius qu'il devait la plupart du temps traiter avec une femme, Calamity, une chienne de première à ses yeux. Il ne venait pas le sourire au lèvres, (comme nulle part d'ailleurs), et il ne voulait pas rester longtemps.
Il était encadré de deux légionnaires et à sa droite, un molosse qui dépassait ses genoux, une bête de combat magnifique et effrayante. Ils marchaient depuis moins d'une heure et le stade était en vu. Octavius lâcha un mollard au sol, comme pour lui répondre, les deux légionnaires firent de même.
Plus ils s'approchaient, plus ils croisaient des chiens pendus, dont la première réaction en voyant les silhouettes au loin, étaient de ricaner et les mettre en joue avec leurs armes à feu. Seulement, quand le visage d'Octavius commence à se distinguer à travers les rayons du soleil, quand les dents de son chien commencent à luire dans un grognement et quand les armures de la légion des deux soldats se mettent à rayonnaient, les chiens pendus détalent comme des chiots.
Arrivait aux portes du stade, Octavius claque des doigts et pose sa main droite sur la tête du chien qui s’assoit sans un son. Le maître chien se tourne vers les légionnaires et leur intime l'ordre d'attendre ici, avec le molosse, ce qui n'eut pas pour effet de rassurer les deux hommes.
Octavius se dirigea vers les portes, un raider était là, à attendre bêtement, certainement défoncé comme d'habitude avec cette bande d'incapable. Il bégaye quelques mots, qu'Octavius a du mal à comprendre.

 « T...T...Tuuuuu veux qu...quoi toooiii ? »

Le maître chien n'eut qu'un regard de mépris pour le raider qui eu l'air de s’affaisser derrière l'ombre d'Octavius. Celui-ci se pencha à l'oreille du drogué et lui chuchota quelques mots.

 « Ouvre moi cette foutue porte si tu veux pas que j'te brise les genoux pauvre merde. »

Le raider ne se fit pas attendre, il frappa aux portes et celle-ci s'ouvrirent en grand. Sans jeter un regard en arrière, Octavius pénétra dans les lieux et sans un salut à qui que ce soit, se dirigea directement vers les enclos. Il cherchait du regard Calamity, il n'avait pas envie de rester ici trop longtemps, autant essayer de ne pas s'énerver et simplement choisir les chiens et se casser. La patronne des chiens pendus savait que le légionnaire devait venir aujourd'hui, pourtant elle n'était pas aux enclos. Octavius cracha au sol et chopa un chien pendu au passage.

 « Elle est ou la putain qui vous sert de chef ? »

Les visiteurs n'étaient pas fréquents au stade de Coors Field et ce n'était pas Jax qui s'en plaignait. Que ce soit des Légionnaires ou d'autres raiders, le trentenaire n'avait aucune envie de devoir « copiner » avec des éléments extérieurs, si tant est que l'on puisse appeler cela de la sorte. Le point positif lorsque vous étiez membre d'un groupe aussi disparate et anarchique que celui des Chiens Pendus, c'était que personne ne vous demandait de vous comporter de manière aimable, voire respectable, avec vos collègues. En bref, la venue d'étrangers était rarement bien vue par les occupants des lieux. Le dernier visiteur avait été un raider du nom de Molson qui leur avait refilé quelques capsules en échangé de leurs services – chose qu'ils avaient accepté. Pourtant, même avec l'appât du gain, Jax avait eu du mal à se dire qu'ils s'amusaient à rendre des services à des types qu'ils ne connaissaient pas. Et c'était une opinion qui s'étendait à l'accord qui liait les Chiens Pendus à la Légion de César. Le raider ne connaissait pas bien ces types et il n'avait aucune idée de palier à ce manque de connaissances, ce n'était que des fanatiques habillés en jupettes et voilà tout. Du moins à ses yeux. Cela ne l'empêchait pas d'avoir entendu parler du maître chien qui venait de temps en temps se procurer de bonnes bêtes pour l'usage de la Légion. Refiler des chiens n'enchantait pas vraiment Jax qui ne considérait pas que les molosses leurs appartenaient, mais ce n'était pas lui le chef et il n'avait donc pas son mot à dire.

La présence d'un étranger était rapidement signalée parmi les raiders, pourtant ce jour-là Jax n'en entendit pas parler avant de croiser l'individu en question. Il était descendu vers les cages des chiens pour vérifier l'état de santé des derniers arrivés lorsque des bruits de pas s'étaient faits entendre. Pensant – très logiquement – tomber sur un Chien Pendu, le raider avait quitté la cage où il se trouvait pour jeter un coup d’œil dans les environs et croiser un type qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Enfin, si, un peu. De vue surtout, il l'avait aperçu lors du dernier passage de la Légion et il l'assimilait donc à ce groupe. Le fameux maître chien ? Peut-être bien, en tous les cas il avait l'air aussi aimable qu'un griffemort et son côté misogyne était visiblement très développé. À la « question » qui lui fut posée, Jax se contenta de hausser les épaules dans un premier temps, puis il lâcha une réponse d'un ton indifférent.

« Les putains ça se fait payer et je crois pas que ce soit le cas de la patronne. » De ce qu'elle avait dit, elle faisait plutôt ça à l’œil. « Puis j'en sais rien. Dans le stade. Quelque part. J'suis pas toujours derrière elle, t'as qu'à chercher, tu finiras bien par lui tomber dessus. » Il n'était pas en permanence derrière la patronne après tout, elle pouvait aussi bien être dehors que dans le stade. « Ou peut-être qu'elle te tombera dessus en première. Elle aime bien les types qui aboient beaucoup, tu seras certainement à son goût. »

En vérité, il n'en savait foutrement rien ! Les goûts de la calamité lui importaient assez peu, tout ce qui intéressait Jax c'était de savoir s'ils allaient sortir en mission ou non. Mais le raider avait pu constater, à ses dépends, que la chef aimait beaucoup les personnes avec du répondant et qui s'amusaient à réagir à ses provocations. Ce type-là avait l'air prêt à bouffer quiconque lui parlerait de travers et Jax soupçonnait aussi qu'il se sentait largement supérieur aux raiders. Les types avec des convictions et des idéaux étaient souvent comme ça : à la ramener beaucoup et à ouvrir leur grande gueule dès qu'ils en avaient l'occasion. Bien évidemment, il garda ces pensées pour lui, il en avait certainement déjà fait bien assez avec les remarques sur la patronne. Pour une fois, Jax espérait que la calamité allait être fidèle à son caractère et se montrer aussi insupportable que possible. Bien décidé à ne pas se prendre le chou avec ce type, le trentenaire lâcha finalement un dernier conseil.

« Évite simplement de la traiter de putain ou elle risquera de te donner ses tarifs. »

Même si elle n'en était pas une. Les femmes avaient un esprit de contradiction très développé, il avait eu le temps de le remarquer depuis les années passées ici.

En cette belle journée, Calamity était entrain de réfléchir à une possible réorganisation des lieux. Mais la question qui ne cessait de la tarabuster était : est-ce que ces putains de lieux étaient déjà organisés ? Non parce qu’il fallait voir le bordel. Chacun dormait là où bon lui semblait, les réserves se trouvaient ici et là, entassées de manière disparate, la drogue, n’en parlons pas, elle trainait partout, pas mal de recoins du stade servaient de chiottes et l’odeur devenait insupportable, sans compter sur les quelques cadavres morts d’overdoses ici et là, et bientôt, ils allaient tous chopper la peste tellement il y avait de rats géants qui promenaient leurs petits culs poilus dans les soubassements du stade, risquant leurs vilaines truffes roses jusque dans les étages. D’un côté, ces quadrupèdes offraient pas mal de chair à grignoter et permettait également de nourrir, voir d’amuser les chiens. Mais quand même... La raideuse n’était pas un parangon de propreté, loin s’en fallait, mais on commençait sérieusement à atteindre les limites du supportables. Puis merde, la déco, elle était vieillottes, et la brune avait des idées plein la tête pour la remettre aux goûts du jour. Des petites piques fichaient de crânes humains, quelques chiens pendus sur la structure extérieure du stade, et pourquoi ne pas faire une montagne d’ossement aussi ? Y avait que le chenil qui ressemblait à quelque chose ici. Elle fut tirée de ses ruminations à la d&co par un pisseux de crâne tondu bégayant, lequel se trouvait aux portes il y a peu :

« Y a l’maî maî maître chien de la la la légion ! »

L’air maussade de la calamité s’accentua un petit peu plus. Elle congédia l’autre abruti d’un geste désinvolte de la main. Octavius. Il allait surement vouloir la voir. A moins qu’il ne fasse profil bas pour l’esquiver. Peine perdue dans le stade, où, bien que le système de communication ne se fait que par le bouche à oreille, les informations circulaient vite. Elle soupira, abandonnant ses rêves de peintures fraiches à base d’hémoglobine, lâchant quelques mots à son chien, un peu plus affectif depuis la mission. Il devait avoir senti qu’il avait merdé.

« J’t’avais dit que cette journée sentait la merde. »

Sur ces quelques phrases prémonitoires, elle s’élança dans les coursives. S’il souhaitait la voir, alors il attendrait un petit peu. S’il ne souhait pas la voir, alors, quand l’impression qu’il l’avait évité s’installerait petit à petit dans son crâne de légionnaire, elle apparaitrait pour la briser. D’un côté, comme de l’autre, elle était gagnante, et surtout, son leitmotiv, très chiante. Elle suivit les traces du plancton aux portes, passant de couloirs en couloirs, traversant des salles en tout genre où s’entassaient des choses en tout genre, pour finalement déboucher à l’une des entrées du stade, la principale. Elle avisa les légionnaires qui devaient attendre le retour de leur patron. Ca voulait dire que cet enculé était déjà rentré. Soit. Buck arriva sur ces entrefaites, soufflant comme un bœuf. Il tombait bien celui-là tient.

« Hey, j’veux quinze mecs avec des chiens autour de ces deux là. Qu’ils sentent qu’ils sont les bienvenues. »

Elle afficha un sourire entendu à son binôme, qui bien que pas très intelligent, obtempéra tout de suite. Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour sa maitresse ? Avant qu’il ne s’éloigne de trop, elle ajouta néanmoins :

« Par contre, quand l’gros reviendra, j’veux qu’il retrouve ses hommes entiers ! Alors s’ils ne font rien, ne leur faites rien. J’veux juste qu’ils se chient dessus ! Ok Buck ?! Fait pas le con hein ! »

Fallait bien qu’ils comprennent, sinon il risquait de prendre une initiative malheureuse, et Calamity, bien que jobard, n’avait pas envie de rompre l’accord commercial entre les deux parties. En fine tacticienne, elle savait qu’elle ne pouvait pas se mettre à dos, et l’ERGP, et la légion. Une fois que Buck eu confirmé, avec une lueur d’esprit dans les yeux, qu’il ne ferait rien aux deux soldats en jupettes, la brune reprit sa petite marche vers les chenils, où devait surement se tenir Octavius. Quand elle déboula dans les gradins, qui ne ressemblaient plus tellement à des gradins, il fallait le dire, elle constata que le maître chien de César - dont il était le toutou en chef en somme - était en compagnie de son petit chien à elle, Jax Trois-Doigts. Sans se presser, la jeune femme s’approcha par derrière, en compagnie de son molosse à elle, en gueulant, sa voix amplifiée par l’écho des murs alentours :

« Octavius, quel plaiiiiisir de te voir ! »

Elle écarta les bras comme-ci elle était réellement contente de le voir, mettant en évidence une crosse de fusil à pompe battant son dos et un flingue logé dans sa ceinture. Heureusement pour le légionnaire, elle ne se doutait pas de la petite conversation qu’il avait avec le Chien Pendu infirme. En approchant, elle ajouta :

« Tes visites sont trop rares par ici. » Et une fois qu’elle avait sauté d’un pas leste sur ce qui était avant la pelouse, maintenant guère plus qu’un ramassis de poussière sableuse, elle ajouta, en roucoulant, mais les yeux voilés de menaces muettes : « Ne t’inquiète pas légionnaire, j’ai fait en sorte que tes hommes ne manquent de rien. Tu connais mon sens de l’hospitalité. »

Et de lui claquer un clin d’œil qui se voulait complice.