Ne jamais sous-estimer l'être humain. Surtout les hommes. Le foutu dégout prenait place dans chaque parcelle de son corps. Ne pas être né au bon endroit ne l'aidait surement pas à finir bien. Ses parents étaient morts il y a de cela quelques semaines, sous une attaque, pour voler, pour piller, pour abuser. Les gens deviennent fous. Les gens font tout ce qu'ils veulent. Ses yeux s'ouvraient lentement sur cette foutue noirceur qu'elle avait l'habitude de côtoyer. Avec le temps, c'est facile de perdre la notion du temps, des jours, de l'heure. Son coeur battait encore à tout rompre alors qu'elle ne pouvait effacer ces foutues images de son crâne. Sa mère. Son père. Le sol complètement rouge, tué par ces raideurs sans valeurs. Par ses hommes qui ne cherchaient qu'à prendre l'argent. Ses nuits étaient souvent trop mouvementées, incapable de se défaire des horreurs qui encombraient son crâne. Si elle n'était pas destinée, à la base, à devenir ce qu'elle est maintenant, la vie en était autrement. Ses parents avaient tout de banal, rien qui ne portait sur le meurtre et la violence.

La porte s'ouvrit, laissant un rayon de lumière filtrer dans la pièce. Ses yeux se plissaient, parce qu'elle commençait à voir bien dans ce noir qu'elle voyait sans arrêt. Son coeur se serra. Elle détestait cet endroit. Elle détestait cette foutue situation dans laquelle elle était simplement incapable de se sortir. Lentement, elle sentait un vide immense prendre place en elle, arrachant tout ce qu'il y avait d'humain à son âme, à son coeur. Laissant cette folie se glisser par les pores de sa peau, envoyant son venin pulser dans ses veines. Il était là. Son regard dur glissant le long du corps de la rousse. Elle se perdait dans des affres qu'elle ne connaissait que très peu, dans des addictions qu'elle aurait préféré éviter. Il s'approcha et à chacun de ses pas, elle sentait son corps se crisper désagréablement. Il fallait qu'elle foute le camp. Qu'elle se sorte de cette cave froide et humide avant de finir morte comme le reste de sa famille. Le pire, c'est qu'elle aurait surement préféré mourir que de se sentir de la sorte, que de sentir ses mains trop rêches passer sur son corps. Son souffle alcoolisé dans le creux de son cou, faisant naître des frissons d'horreur sur sa peau. Mourir aurait été la meilleure issue, mais elle subissait le joug d'un homme fourbe et complètement fou. Détenteur de sa souffrance. Il était près. Trop près. À chaque fois qu'elle sentait les assauts tonitruants de son corps, elle rêvait d'une lame, d'une arme, pour perforer sa chair, faire couler son sang, ce foutu liquide qui le tenait en vie. Les images de violence défilaient trop facilement sous ses paupières closes, se mélangeant avec l'eau salée de ses yeux. Le tuer. Le saigner. Le faire payer. Elle perdait son humanité.

Des mois. Des mois qu'elle subissait ces foutus assauts qui avaient crevé tout ce qu'il y avait de bien en elle. Debout, contre le mur, elle attendait qu'il entre. Elle attendait. Parce qu'elle savait parfaitement qu'il allait finir par se pointer à un moment où un autre. La rousse n'avait pas la moindre idée d'où elle était captive. Le sous-sol de quelque chose, surement perdu quelque part. Il revenait. Toujours. Il finissait toujours par revenir. Avec le temps, elle avait réussi à se façonner une lame avec un bout de bois, assez aiguisé pour qu'elle puisse lui transpercer la peau. Elle n'en pouvait plus. Elle se sentait sale, souillée, brisée, mais elle s'en fichait. La demoiselle voulait simplement foutre le camp de cet endroit, oublier, ne plus penser à ce qu'elle avait pu vivre pendant des mois. Enfin, elle n'avait pas la moindre idée de comment de temps elle avait passé là, elle ne comptait plus. Sa notion du temps était perturbée.

Le bruit de la porte si familier se fit entendre. Sa lame était bien logée contre ses hanches. Ses yeux se plissèrent alors qu'elle s'approcha lentement de lui, adoptant une démarche féline. Avec le temps, elle avait appris à jouer, à mentir. Elle avait appris, trop de choses. Ses doigts glissèrent lentement le long de son torse alors qu'elle s'arrêta trop près de lui. Son odeur la rebutait, filtrant dans son nez comme le pire de tous. Jouant celle qui était en manque, jouant celle qui avait besoin de quelque chose. C'était faux. Son dos se retrouva contre le mur alors qu'une langue se faufila dans sa bouche, lui donnant une envie désastreuse de vomir. Elle attendit le moment, le moment ou sa garde baissa complètement, ou elle sentit cette excitation dégoutante prendre place en lui. Ses doigts fins attrapèrent ce bout de bois pour lui planté directement dans le cou. Le bruit du déchirement. Ligaments qui se brisaient sous la pression qu'elle mettait, sous la force qu'elle s'accordait à enfoncer le bout de bois dans son cou. C'est le liquide chaud sur ses doigts qui fit passer un frisson de plaisir sur sa peau. Ce soulagement intense qui prenait place dans le fond de ses entrailles. Elle ressortit le bout de bois de son cou, laissant le sang couler abondamment dans son cou et elle revint à l'assaut. Son tortionnaire tenta de la repousser, mais l'effet de surprise eut son avantage, il était déjà en train de se faire saigner à blanc. Comme le porc qu'il était. Elle enfonça le bout de bois une nouvelle fois dans son ventre, lâchant cette colère qui la rongeait depuis trop longtemps. Il s'écrasa sur le sol, manquant de souffle et elle se pencha vers lui. « Va te faire foutre.» La demoiselle quitta la pièce. Le début de la fin.


Ses pupilles étaient complètement dilatées. La jeune femme, après sa sortie des enfers, avait été jetée dans ce foutu monde qu'elle ne connaissait que très peu. Il avait fallu qu'elle se débrouille, qu'elle se salisse les mains, mais elle n'en avait plus réellement peur. Elle était toujours au bon endroit, pour faire les mauvaises rencontres, pour prendre les mauvais choix. Trop d'années à errer sans but, à faire partie des groupes, à être seule, à se défoncer. La rousse avait appris à trafiquer les armes, à les réparer, à sa battre, à manipuler, à tuer. Elle s'y plaisait un peu trop d'ailleurs. La drogue et le sang. Son moyen d'évasion. Personne ne connait d'où elle vient, ce qu'elle a pu vivre et elle n'en parle pas vraiment. Là, elle vient d'entrer dans un groupe. Les chiens pendus. Le hasard. Surement pas. Elle n'y croit pas vraiment. Peut-être parce qu'elle leur ressemble. Il y a des raisons. Elle se doute qu'elle pourra leur être utile, dans tous les cas.