Soirée lumineuse et brumeuse, un fin vent emportant le sable dans de fines vagues opaques balayait le ranch tranquille. Une caravane marchande avait cherché refuge chez les Gormogons mais la nuit serait tranquille et calme pour eux car ils repartiraient comme ils étaient arrivés : indemnes et détendus. En effet, Daisy-May avait une certaine conscience du commerce : on ne tuait pas ceux qui nous apportait de la marchandise et des capsules. C'était relativement évident de toute manière. Tant que cette caravane les approvisionnaient avec de bons prix en échange de bons lits, elle ne voyait pas l'intérêt de se repaître de leur chair. De plus leur compagnie n'était pas désagréable, d'ailleurs un petit gars du groupe avait attiré son attention. C'était très étrange en fait. D'habitude la vieille matriarche avait une préférence pour les grandes gueules, ceux qui maniaient la langue comme on maniait une épée bien aiguisée. Ceux qui arrivaient à la faire rire et réfléchir étaient très rares et c'était pour ça que la vieille les épargnait. William était un petit bout de choux qui n'avait rien d'intimidant et pour cause, on l'avait élu comptable. Il portait le physique de sa fonction, minutieux, discret et même des fois ennuyeux. Néanmoins la Daniels avait trouvé en lui une petite part de douceur et de maladresse qu'elle enviait à certains enfants et qui manquait à présent cruellement à son fils unique.

Ce soir là elle s'était retirée dans sa chambre après avoir soupé avec leurs invités et avait réitéré en privé son ordre aux siens de ne pas toucher à un seul cheveux de ces invités-là. Elle avait voulu écrire mais rien ne venait ou alors le pire. Elle avait déjà raturé une feuille cartonnée et un papier recyclé improvisé et desséché avant d'abandonner. Le papier était trop précieux pour qu'elle se permette d'autant le gâcher. Elle se leva, s’enveloppa dans un vieux tissus rapiécé de-ci de-là de quelques morceaux d'autres tissus et d'autres textiles avant de descendre doucement les escaliers. Certains étaient déjà allé se coucher et d'autres buvaient encore un peu d'alcool et finissaient les restes dans la cuisine. Arrivant dans la salle de séjour elle pensa d'abord qu'il n'y avait personne. Elle s'installa dans un canapé et soupira avant que ses yeux ne s'habituent à l'obscurité et qu'une silhouette ne se détache des fins rayons lunaires qui filtraient à travers les rideaux. « Ho mais que voilà... Comment vas-tu William, comment était le dîner ? Bon j'espère... » Un sourire amusé se dessinait déjà sur le visage de la vieille dame. Daisy plongea sa main dans sa poche avant d'en sortir des morceaux de viande séchée au sel. Elle en gardait toujours un peu sur elle, histoire de prévenir une petite fringale (fléau qui s'abattait sur elle sur une base régulière). « Tu en veux ? Histoire de terminer le repas. » Ce n'était pas son met préféré mais le goût salé et épicé sur la langue avait le dont de la réveiller un peu.

Contrairement à ce que des légendes auraient pu raconter sur son compte, ce n'était pas de la viande humaine que venait de donner Daisy. Ils ne donnaient pas comme ça le résultat de leur petite entreprise aux voyageurs. Les humains étaient infiniment difficile à tuer et trouver des gens qui ne manqueraient à personne et après qui personne ne viendrait poser des questions était assez délicat en l'état. Surtout, ne jamais au grand jamais s'attaquer aux gens qui avaient été trop ouvertement odieux avec eux. La tentation était grande de s'en prendre aux gens qui nous était antipathiques mais malheureusement la réputation des Daniels et de toute la famille primait à côté d'une volonté personnelle. Des gens méprisants sa famille, il y en avait eu. Mais qu'ils disparaissent si ils venaient à passer par son ranch et ce serait là le début d'une réputation nauséabonde qui mènerait très probablement à la découverte de leur secret. Et si ce monde-ci témoignait d'horribles vérités qui valaient la vie de beaucoup, le cannibalisme ne semblait pas être quelque chose que beaucoup de personnes auraient pu accepter. Hélas... Le garçon ne sembla pas avoir vu la vieille dame. Elle sourit, même à son age, elle arrivait encore à se faire discrète. Tout n'était pas perdu.

Le gamin saisit le morceau de viande séché sans trop se faire prier. Les petits jeunes polis, elle aimait bien ça. Celui-là en particulier ressemblait aux héros de petites histoires, le genre de personnage pas vraiment très doué dès le début mais qui finit par triomphait de la Légion et établir une civilisation prospère et juste. Il démarre radcafard et il finit en wolverine, craint de tous et aussi vif que discrêt. Mais les histoires étaient incroyablement peu réalistes et elle doutait que ce petit asticot là termine en incroyable tueur légendaire des terres dévastées. Il complimenta sa table ainsi que son ranch. Elle lui sourit avant qu'il ne lui demande si elle n'était pas descendue car le sommeil lui manquait. Elle hochait la tête en mâchouillant son morceau de viande. « Apparemment ce n'est pas notre moment de dormir. Notre corps nous le signifiera bien assez tôt va ! » Elle se cala dans son canapé et jeta un coup d'oeil dehors. « Vous veniez de quel coin avant d'arriver au ranch ce soir ? Et vous repartez vers où ? On a entendu de la part de quelques voyageurs qu'au sud, il y avait quelques raiders qui rôdaient... » Le voyageur lui ayant obtenu l'information n'avait pas fait long feu. Il était arrivé déjà un peu blessé et avait avoué avoir vu son groupe mourir sous ses yeux. Autant par commodité que par pitié, ils l'avaient achevés. Ils avaient récupérés la viande pour le repas du soir il y a quelques jours et le reste reposait dans la cave, fumé, il ferait un très bon jambon.

Le jeune homme lui répondit poliment. C'était rare les jeunes gens encore bien élevés ces jours-ci. Même au sein de sa propre famille, elle avait des fois du mal à supporter des cousins et cousines. Il n'y avait réellement que son fils qui semblait valoir le coup dans toute cette bande de sales égoïstes. Mais ce n'était pas toujours ainsi. La plus part du temps, elle les aimait de manière inconditionnelle et fermer les yeux sur leurs défauts. C'était toujours la même histoire en fait. Finalement, elle les aimait bien mais elle aurait préféré ne pas les voir trop souvent. Malheureusement, la disposition des lieux ne lui permettait pas d'aller tranquillement se promener trop loin du ranch, du moins, sans protection. Ainsi on apprenait à supporter les petits travers des gens et les défauts qui faisaient leur personnalité. Elle hocha la tête et ponctua d'un « Très bien, très bien. ». Etant donné que cette caravane les aidait à subsister, la matriarche n'avait pas envie de les voir se faire malmener par des raiders. Un petit silence s'installa avant que le jeune homme ne reprenne la parole.

Elle sourit de toute ses dents, amusée par l'innocence de sa question. Il était vrai que d'un œil extérieur, Daisy ne semblait que se prélasser, manger et dormir. Bien entendu, les longues discussions de famille, les prises de décision et les éternelles crises du ranch n'étaient jamais exposées aux visiteurs et souvent, les plus jeunes de la famille n'y assistaient pas non plus. La matriarche ne savait pas vraiment si c'était le cas partout mais ici, chez les Gormogons, on respectait infiniment les personnages âgées. Quelques fois, ça ne se passait pas forcément comme ça. Non, en effet, ces dernières années la vieille dame cru percevoir une dégradation dans le respect que devait porter les jeunes suur les plus âgés. Ou alors c'était simplement elle qui devenait de plus en plus acariâtre et de moins en moins patiente. Après tout, la matriarche était la preuve vivante qu'on pouvait être parfaitement désagréable tout en souriant. Mais elle préférait montrer ce côté peu commercial à sa famille plutôt qu'à de potentiel clients et victimes.

Elle se passa une main dans les cheveux avant de répondre « He bien, malgré ce que les apparences peuvent montrer, tout ce petite monde ne fonctionne pas de manière autonome. Pour faire marcher le ranch, il faut tout superviser. Je supervise. Il faut préparer les chambres, commercer, préparer les repas, trouver de la nourriture... On ne pourrait recevoir personne si on n'était pas organisé tu vois. » Elle fit une pause avant de lâcher un morceau de viande et de reprendre. « C'est un peu comme votre caravane. Toi tu fais une tâche parmi d'autres, et il y a un chef pour tout coordonner. Ben voilà. » Des personnes avaient déjà demandé avant comment les Gormogons avaient survécu comme ça dans le désert mais il y avait rarement toute la famille à la table tous les soirs. Leur nombre était impressionnant pour seulement une famille, et leur loyauté sans faille faisait qu'ils semblaient être la plus forte des armées. Pour Daisy en tout cas... « Tu as de la famille qui t'attend, à Jericho ? Une femme ? » Un jeune homme de son âge devait bien avoir une petite amie théoriquement. En plus il était tellement mignon...