Et Heath ouvrit ses deux yeux lentement, ses longs cils s'ébattant gaiement après avoir été clôt pendant plusieurs heures. Puis s'étirant langoureusement dans ses draps, le Chevalier laissa échapper un feulement de chat dans lequel se lisait un sentiment de satisfaction. Un rêve si doux, si pur. Du sang, des légionnaires morts... Tant de satisfaction. Son esprit lui laissait du repos après les incessants cauchemars qui avaient hanté ses nuits. Quel tendre plaisir... Un sourire naquit sur son visage. Il était calme, presque doux.

Et avec une nonchalance angélique, le trentenaire sortit lentement de son lit. Il avait à faire. Aujourd’hui n'était pas un de ses jours ennuyants où il pouvait se laisser aller dans ses draps et à errer tel un fantôme démuni dans les couloirs de bétons de la Confrérie. Son équipe requérait sa pleine attention et il trépignait d'impatience à l'idée de s'échapper enfin de ce carcan déprimant après plusieurs jours d'inaction, et même s'il appréciait la liberté et la tranquillité que lui offrait sa seule présence, l'heure était enfin de faire ce qu'il aimait vraiment : partir à l'aventure, protéger et combattre au nom de sa Famille. Si jamais une jeune femme bien formée se trouvait par mégarde sur son passage, c'était un plus non négligeable.

Et en tenue d’Adam, la fraîcheur de la pièce pauvrement parée l'enveloppa, faisant perler sur sa peau - par le changement soudain de température - une goutte d'eau salée qui, aussi belle qu'une perle, glissa gracieusement le long de sa jambe, dessinant paresseusement les contours musclés de cet épiderme abîmé par les combats. Une douche, et il serait prêt pour sa journée pleine de promesses.

Et se glissant dans son austère douche, les secrets de son corps disparurent, cachés par l'eau glacée, faisant éclater en Heath une bulle de bonheur. Son esprit se perdit dans le clapotis de l'eau qui coulait, s'arrêtant sur le corps d'Erin – sa lubie du moment – alors qu'un sourire (stupide?) flottait sur ses lèvres. Et après plusieurs minutes d'un bonheur éphémère, une voix retentit. Une voix qu'il ne connaissait que trop bien. Un soupir frustré s'échappa de ses lèvres humides et c'est résigné qu'il se décida à sortir de son cocon aquatique, enserrant sa taille musclée d'une serviette qui traînait par là (le rangement n'avait jamais été son fort, il le reconnaissait volontiers, et il était très clair pour lui qu'il préférait enlever les vêtements que les mettre ou les ranger).

Et c'est ainsi (non-)vêtu qu'il quitta sa douche et se dirigea d'un pas traînant vers l'entrée de sa chambre dans laquelle se trouvait (malheureusement) sa tendre et chère cousine. Cette dernière affichait son sempiternel sourire niais et, dès qu'elle l’aperçut, elle s'exclama gaiement :

« Ah, j'ai cru que tu me fuyais ! Pourquoi tu ne répondais pas ? On ne s'est pas encore vus aujourd'hui tu sais. »

Et avant même que le grand brun où la chance de proférer une seule parole, cette sangsue de bigote se colla à lui, l'enserrant de ses frêles mais musclés bras, posant sa joue (de laquelle Heath percevait le sourire candide) sur son torse encore humide. Décidément, il ne se ferait jamais à cette sotte tradition. Spécialement quand Alice lui faisait la conversation en même temps. Sérieusement, quelle personne saine d'esprit apprécierait d'être pris en otage chaque matin dans un affreux câlin puérile pour être en plus interroger avec un « Comment vas-tu aujourd'hui ? » par une personne qui vous connaît par cœur et avec qui vous passer déjà toute votre vie ? Certainement pas Heath, en tous les cas. Certes, il aimait sa cousine (même si jamais, oh grand damne, jamais il ne lui aurait avoué) mais s'il trouvait un jour un moyen quelconque de se débarrasser de cette torture quotidienne, il sauterait immédiatement sur l'occasion.

Et c'est avec un air quelque peu dégoûté qu'il s'extirpa aussi vite qu'il le put de l'étau qui l'enfermait, juste après qu'Alice eut prononcé une énième phrase inutile – et étonnamment tendancieuse de sa part. Heath ne put s'empêcher de sourire en réponse à celui si communicatif que sa cousine affichait sans honte sur son visage.

« Bonjour, la Bigote. Tu es bien matinale ce matin hein. » commenta le Chevalier ironiquement en la tenant à bout de bras dans un effort désespéré de séparer enfin sa peau de la sienne. Puis, la laissant là où elle était, il se dirigea vers son lit pour s'habiller (la pudeur ne l'avait jamais étranglé), répondant en même temps à son flot de questions. Bien sur, il ne put s'empêcher de commenter ses propres paroles, tour à tour sérieux et ironique.

« Pour répondre à tes questions, ce sera dans l'ordre : Je ne te fuis pas – enfin pas encore mais ça ne saurait tarder maintenant, je me douchais donc je t'ai pas entendu – logique, je sais qu'on ne s'était pas encore vu – quel dommage..., je vais bien – jusqu'à ce que tu arrives du moins, et oui, je suis prêt – comme toujours. Et non merci, je suis bien assez séduisant par nature pour séduire ce médecin sans avoir recourt à ton aide. »

Et, enfilant d'un geste rapide un tee-shirt (à l'allure douteuse), il se retourna vers la tireuse d'élite, un grand sourire aux lèvres, plus ironique que jamais :

« Oh, s'il te plaît, étanche ma curiosité : et toi alors ? Que me vaut donc l'honneur de ton irruption si tôt dans la journée ? »

Sans s'en rendre compte, le sourire de Heath devint plus doux, plus tendre. Il l'aimait bien sa naïve de cousine, au final. Elle égayait ses journées avec ces pensées optimistes et son attitude toujours volontaire.